Rubrique: Desserts & sucreries

Au Portugal, comme dans le sud de la France, le gâteau des Rois est une brioche en forme de couronne garnie de fruits confits, le Bolo Rei. Plus consistant que sa version française, ce gâteau tire lui aussi son origine des fêtes de la Rome antique destinées à célébrer Saturne et l’Âge d’or.

Lorsqu’on a grandi dans le sud de la France, la fête de l’Épiphanie évoque deux souvenirs : l’arrivée des Rois Mages dans la crèche (l’irruption du chameau et de l’éléphant dans le village provençal…) et les couronnes décorées de fruits confits multicolores et de gros grains de sucre. Cette forme de gâteau des Rois est plus ancienne que la galette « à la parisienne », issue d’un croisement, au XVIIe ou XVIIIe siècle, entre l’ancienne galette des Rois (assez dure) et le Pithiviers feuilleté.

Au Portugal, seul le Bolo Rei (symbolisant la couronne des Rois Mages) a droit de cité. Il aurait été « importé » par un pâtissier portugais ayant travaillé en Provence. Sa pâte briochée, parfumée à la fleur d’oranger et au porto, est pétrie avec des fruits secs et des écorces d’agrumes. Le Bolo Rei est décoré de fruits confits et généreusement saupoudré de sucre glace. Parfois, comme en France, il contient une fève qui déterminera le roi ou la reine du jour, chargé de payer le Bolo Rei de l’année suivante.

Saviez-vous que la tradition de « tirer les Rois » remonte à l’Antiquité romaine ? En fait, il s’agit de ce que les ethnologues appellent un « rite d’inversion », un rituel où la hiérarchie sociale est temporairement inversée. Lors des fêtes hivernales en l’honneur de Saturne, les Romains confectionnaient un gâteau contenant une fève et le coupait en un nombre de parts égal au nombre de convives. Un jeune enfant se plaçait sous la table et, au nom d’Apollon, décidait pour qui était chaque part. La personne qui trouvait la fève devenait le roi de la famille pour un jour. Cette inversion des rôles évoquait l’Âge d’or, la période où Saturne et Janus régnaient et où tous les hommes étaient égaux.

Plus tard, cette tradition fut récupérée par l’Église catholique, probablement lorsque l’anniversaire de la naissance du Christ fut substitué aux rites du solstice d’hiver. Le gâteau saturnien fut alors associé à l’arrivée des Rois Mages. On prit l’habitude de couper une part de plus que de convives, la part restante étant celle de la Vierge, donnée au premier pauvre qui se présentait. Malgré cet habillage tardif, le gâteau des Rois reste le symbole bien vivant des Saturnales romaines : au début de l’hiver, une fève cachée, un tirage au sort par le plus jeune et l’inversion des rôles pour un jour.

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