Rubrique : Viandes

Un bon gigot de sept heures, ça vous met l’eau à la bouche ? Ou bien un méchoui pour lequel vous vous êtes levé avant l’aube ? Les Kurdes ont imaginé une variation légèrement plus extrême sur le thème, le büryan kebabı. Un truc de dingue qui rend la viande d’agneau plus fondante qu’un biscuit à la cuillère. Mais pas question de le faire à la maison… sauf peut-être si vous habitez de plain-pied !

Pour faire un bon büryan kebabı, il faut des costauds et… des pioches. Voire quelques barres à mine. Éventuellement un peu de dynamite. Parce que le secret de ce mode de cuisson typique de la région de Siirt et de Bitlis, au sud-est de l’Anatolie, c’est la fosse. Une fosse cylindrique d’un bon mètre de diamètre et d’environ 2,5 mètres de profondeur. Ensuite, il faut tapisser les parois de briques réfractaires et prévoir un lourd couvercle hermétique. Une sorte de gigantesque tandoori.

Enfin, il faudra vous munir d’un cerceau garni de crochets de boucherie et y suspendre une bonne douzaine de demi-carcasses d’agneau fendues dans le sens de la longueur, sans les épaules ni les gigots. Après avoir chauffé la fosse en y menant un feu d’enfer jusqu’à ce que le fond soit couvert de braises, et y avoir placés quelques récipients remplis d’eau, il suffira d’y suspendre les demi-carcasses et de laisser la chaleur cuire la viande lentement, non sans avoir scellé le couvercle avec de la boue argileuse.

Pendant deux heures et demie, voire plus, les carcasses vont cuire dans un mélange de vapeur d’eau et de fumée de graisse, ce qui va rendre la viande à la fois tendre et extrêmement parfumée. L’extérieur des carcasses va ressortir doré et croustillant. Parce les agneaux sont mis à cuire au petit matin (voire parfois au milieu de la nuit), le büryan kebabı est plutôt un plat du petit-déjeuner (en Anatolie) ou du déjeuner (à Istanbul).

La viande est servie débitée en petits morceaux, avec ou sans os (kemikli ou kemiksiz), avec ou sans gratons (yağ ou yağsız), et posée sur un pain plat et rond de la taille d’une assiette à dessert, le tırnaklı ekmek. Le tout est réchauffé au four avant d’être servi. Parce que les agneaux utilisés sont âgés de six à huit mois, le büryan kebabı est, mmmm…, fort en goût ! Et parce qu’il s’agit d’agneaux anatoliens, ils ne manquent pas de bon gras qui imbibe délicieusement le pain placé sous la viande. Si l’agneau domine à Siirt et à Istanbul, les habitants de Bitlis préfèrent le büryan kebabı de chevreau, moins gras.

Typiquement, le büryan kebabı se déguste avec un perde pilav (un « riz voilé », du riz parfumé aux raisins secs, amandes, pignons de pin et poivre, cuit avec du blanc de poulet dans une aumônière de pâte en forme de petit kouglof) et avec une tasse d’ık ayran bien mousseux, le yaourt dilué et légèrement salé si parfaitement bon avec la viande rôtie. Une petite salade pour se donner bonne conscience, et hop !

À Istanbul, depuis trois générations, une excellente adresse pour manger un büryan kebabı : Siirt Şeref Büryan Kebap Salonu, situé sur une place piétonne au pied de l’aqueduc de Valens (qui date de 368 après J.C., excusez du peu…), dans le quartier appelé Kadınlar Pazarı (le marché des femmes, également surnommé « Le Petit Kurdistan »). Tout en admirant l’architecture romaine, vous pourrez faire le plein d’agneau fondant. Pour digérer, titubez jusqu’à la mosquée de Zeyrek voisine, constituée à partir de deux églises et d’une chapelle byzantines, actuellement en pleine rénovation.

Environ 10 € par personne, tout compris.
Ouvert tous les jours de 10h à 23h.

Itfaiye Caddesi N°4, Fatih, Istanbul
+90 212 635 8085

serefburyan.com

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Rubrique : Istanbul

À Istanbul, la recherche du meilleur restaurant de poisson relève du sport national. Un sport réservé aux plus nantis, ces restaurants étant souvent assez chers. Dès lors, comment résister à un restaurant de poisson qui est à la fois excellent et pas cher ? À deux pas de la tour de Galata, le tout petit Fürreyya Balıkcısı possède ces deux qualités.

Istanbul est une ville de poisson(s). Qu’ils soient de la mer Noire ou de la mer de Marmara (plus rarement de la Méditerranée, les Stambouliotes leur trouvant moins de goût, un peu comme des Bretons visitant le Midi…), les poissons rythment la vie de la cité. Les Doudes imaginent même y lancer un calendrier « Les Dieux du Bosphore » où chaque mois serait illustré par les espèces à manger en priorité ce mois-là : anchois (hamsi) en décembre-janvier, turbot (kalkan) en mars-avril, bar (levrek) en avril-mai, sardines (sardalya) en août-septembre, rouget (barbunya) en octobre-novembre, etc.

Outre sa qualité et son prix raisonnable, Fürreyya Balıkcısı a un atout en plus : au-delà des classiques poissons grillés (délicieusement frais), beignets de calamars (extra-tendres) ou soupe de poisson (proche des « chowders » américains), ce restaurant propose des plats originaux et savoureux : par exemple, le dürüm de poisson (pensez « fajita » croustillante) parfumé d’oignons caramélisés et de roquette ; ou les filets de daurade enroulés dans des feuilles de vigne et sautés (une tuerie) ; ou les köfte de poisson (des mini-hamburgers de poisson parfumés à la tomate et aux poivrons, légèrement fumés) ; ou la salade de morue frite ; ou, plus rarement, les mantı de poisson (des micro-tortellini).

Bref, chez Fürreyya Balıkcısı, on se pourlèche les babines dans une ambiance sympa, assez éloignée du traditionnel restaurant de poisson stambouliote, soit trop « je m’la pète », soit trop « dans son jus années 60 – néons blanchâtres – clientèle d’époque »… On peut accompagner son repas d’une salade mélangée et l’arroser de şalgam qui met en valeur le goût du poisson.

Si vous passez par Galata et si vous avez envie de poisson, prévoyez de dîner un peu tôt. Fürreyya Balıkcısı, même s’il s’est récemment agrandi, reste minuscule et les places sont chères. Au pire, vous pourrez toujours commander un dürüm à emporter et le manger en regardant la tour de Galata. Et après, posez vos fesses au Ceneviz Café, juste sous la tour, pour un verre de thé dans un joli petit amphithéâtre en plein air.

Environ 15 € par personne, tout compris.
Ouvert tous les jours de 11h à minuit, fermé le dimanche en été.

Serdar-i Ekrem Sokak 2, Beyoğlu, Istanbul
+90 212 252 4853

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