Rubrique : Épices, condiments & herbes

Il y a quelques temps, les Doudes vous avaient entretenus de Marmite, une pâte de levure britannique. Aujourd’hui, cap sur l’Helvétie pour découvrir la version locale de la pâte à tartiner maltée. Le Cenovis, c’est de la Suisse en tube, la proustomadeleine des petits Romands…

Comme Marmite, le Cenovis est un sous-produit de la fabrication de la bière qui met en valeur les amas de levures déposés au fond des cuves. C’est en 1931 qu’un brasseur de la région de Bâle, Alex Villinger, probablement inspiré par la trentenaire Marmite, décida de commercialiser ces levures. Rincées, enrichies de sel et d’extraits de légumes (carottes et oignons, entre autres), elles forment le Cenovis, une marque créée à partir de deux mots latins (cenare, manger et vis, la force).

Depuis 80 ans, le Cenovis fait partie des habitude alimentaires suisses, davantage chez les Romands que chez les Alémaniques. Riche en vitamines B (surtout en B1 qui est rajoutée lors de la fabrication), il était intégré dans les rations des bidasses helvètes ce qui boosta sa réputation d’aliment santé. Essentiellement consommé sur des tartines, il a fait le bonheur des goûters de nombreuses générations d’Heidi…

Pour apprécier Cenovis à sa juste valeur, mieux vaut le poser sur une tartine beurrée. La matière grasse agit à la fois en exaltant et en adoucissant son goût puissant. Inutile de préciser que, comme pour toutes les pâtes à base de levure, le monde se divise entre ceux qui en raffolent et ceux qui ont l’estomac qui leur monte aux lèvres.

Aujourd’hui, le Cenovis est disponible sous forme de pâte (avec ou sans sel, ce qui est une bonne chose, la pâte originale étant assez salée). Récemment, de petits sachets individuels de pâte ont vu le jour pour les randonneurs ou les écoliers. Cenovis existe également sous forme de condiment liquide ou en poudre, ce qui met en avant l’utilisation de Cenovis dans la cuisine, comme une alternative à la sauce soja, par exemple dans une vinaigrette ou une marinade.

Porté par la longévité du Cenovis, le nouveau propriétaire de la marque a récemment commercialisé une pâte concentrée à base de pommes, de poires et de dattes destinée à accompagner les fromages. Les Doudes vont faire marcher leur réseau translémanique pour vous en parler bientôt.

cenovis.ch

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Rubrique : Fromages

Vous pensez que la France est le pays des fromages qui puent ? Révisez votre jugement et découvrez le schabziger, la boule puante des fromages faisandés made in Switzerland. Cette spécialité ancestrale pourrait justifier l’invasion de la Suisse alémanique pour nous avoir dissimulé une arme de destruction massive…

Dans le centre-est de la Suisse, il y a le canton de Glaris (Glarus en Schwiizertüütsch). Et dans la ville de Glaris, il y a la société Geska AG qui fabrique un fromage mythique, le schabziger. Présenté sous la forme d’un élégant cône vert amande, le schabziger est préparé à partir de lait de vache écrémé, chauffé et additionné de ferment lactique acide. Une fois égoutté, le fromage obtenu (le sérac) est mûri de un à trois mois, malaxé, salé et placé en silos pour trois à huit mois.

Ensuite, et c’est là le secret du schabziger, on y ajoute de la trigonelle bleue séchée (Trigonella caerulae ou Ziger-Klee), une sorte de mélilot rapportée du Moyen-Orient par les Croisés et populaire au Moyen-Âge pour parfumer les plats. Cette plante va lui donner son joli teint vert pâle et sa saveur fatale. Car, même selon son fabricant, le schabziger divise le monde en ceux qui aiment (dans le canton de Glaris) et les autres…

Tout juste sorti du réfrigérateur, le schabziger dégage un parfum certes intense mais pas forcément rebutant : une forte odeur de foin fraîchement coupé et de fromage oublié dans un placard depuis le siècle dernier. Un récent article dans la Tribune de Genève faisait référence à des vestiaires après le match, mais cela nous paraît injuste. Sauf si toute l’équipe souffrait de mycose des pieds.

Mais là où le schabziger déploie toute sa puissance, c’est dans la cuisine. Il s’utilise râpé, probablement pour ne pas dépasser la dose mortelle, comme pour la muscade ou la fève tonka. Il existe même un moulin spécialement dessiné pour lui, sans nul doute en kryptonite. Le schabziger est donc plutôt un condiment, employé froid (pour des salades, par exemple) ou chaud (sur des pâtes, des pommes de terre, des soupes, etc.).

Les Doudes l’ont essayé sur des pâtes au beurre, tout simplement. Qui ont tout simplement fini dans la poubelle. Si le schabziger s’enorgueillit d’être resté identique depuis 1463 (où une loi en a fixé les caractéristiques), les Doudes soupçonnent que cette incroyable constance résulte plutôt du fait que tous les schabziger vendus depuis ont été fabriqués cette année-là… En tout cas, son goût en témoigne qui semble provenir tout droit du Moyen-Âge le plus obscur.

Pour ceux qui en ont assez de la vie, le fabricant a mis en ligne un site entièrement consacré au schabziger où il est possible de commander la bête (nul permis n’est requis) et qui propose de nombreuses recettes. La Suisse, patrie du droit de mourir dans la dignité fromagère…

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