Rubrique : Turin

Aller manger vénitien lors d’un séjour turinois, ça peut paraître idiot. Mais lorsqu’on y est amené par la classissime Francesca, on ne discute pas. On obéit et on apprécie le moment magique dans un restaurant chaleureux, parfait pour se laisser aller aux confidences tout en poussant de petits gémissements de plaisir gustatif.

La cuisine vénitienne est une cuisine qui exprime beaucoup d’originalité. Inspirée par des siècles de commerce d’épices mené de main de maître par la Sérénissime, elle joue d’associations inhabituelles (ah les pâtes aux palourdes et au cacao ou celles au crabe et à la fraise de feu La Bauta, avenue du Montparnasse…). Sur la place du Sanctuaire de la Consolata, à Turin, se trouve un restaurant vénitien qui vaut le détour.

Il Bacaro Pane e Vino est un petit restaurant bar à vins sur deux niveaux (les bacari sont les bars à vins typiques de Venise où l’on peut grignoter un morceau). En bas, une petite salle à manger et un espace-apéritif où l’on peut boire un verre en mangeant des cicchetti, les tapas vénitiennes : petits poissons frits, petits poulpes, croquettes, tourtes, etc.  En haut, deux salles dont l’une donne directement sur la place et la façade de la Consolata. En été, les tables envahissent la place.

Au menu ce soir-là, des tagliolini au civet de lièvre (délicieusement parfumé au clou de girofle), une soupe de pois chiches et de palourdes, des bigoi in busara (des sortes de spaghetti très épais de blé complet, avec une sauce tomate épicée et des langoustines), des seiches à l’encre, de la morue alla Vicentina (cuite au four avec du vin blanc et des oignons) et un étonnant millefeuille de veau au radicchio et à l’asiago (un fromage du nord-est de l’Italie). Les desserts sont présentés sur une table à l’entrée du restaurant : strudel aux pommes, tarte au citron, etc.

Il Bacaro Pane e Vino propose régulièrement des concerts de jazz. À la lumière des bougies et des petits guirlandes lumineuses qui le décorent, il est facile de s’y sentir bien. Le cadre est chaleureux : meubles de récupération hétéroclites, nappes blanches, grands miroirs anciens… Idéal pour un dîner en amoureux ou une pause complice avec ses amis de longue date.

Environ 30 € par personne avec le vin.
Ouvert tous les jours sauf le dimanche.
Piazza della Consolata 3/F – Torino – Italie
+39 011 436 9064

www.bacaropanevino.com

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Rubrique : Boissons, Turin

Boisson emblématique de la ville de Turin, le bicerin est la savante superposition de trois couches distinctes : chocolat épais, café espresso et crème de lait mousseuse. S’il est servi dans tous les cafés de la ville, le vrai, l’unique bicerin se déguste chez son inventeur supposé, le café-pâtisserie « Al Bicerin ».

Parmi les nombreuses églises de Turin, ville du Saint Suaire, la plus émouvante est celle du Sanctuaire de la Vierge de la Consolation, la Consolata pour les autochtones. Ce sanctuaire très ancien est la juxtaposition de plusieurs styles : tour romane et modifications plus tardives sous l’égide des grands architectes baroques turinois, Guarino Guarini (au XVIIe) et Filippo Juvarra (au XVIIIe). La Consolation est un espace ovale entouré de petites chapelles également ovales, une sorte de multiplex religieux doré et chargé à souhait. Des murs entiers couverts d’ex-voto peints à la main témoignent de son importance dans la vie des Turinois.

Après l’émotion de la Consolata, il suffit de traverser la place pour s’asseoir dans un petit café-pâtisserie ouvert là depuis 1763. « Al Bicerin » a le charme désuet et l’accueil un peu formel et revêche des cafés historiques. On s’y installe en surveillant ses gestes pour y commander la boisson éponyme, le bicerin (prononcez « bitchérinn » ce qui signifie « petit verre » en piémontais), celle qui figure dans tous les guides touristiques et dans la correspondance d’Alexandre Dumas père, de Nietzsche ou de Puccini.

Quelques instants plus tard arrive un verre, aussi stratifié que le sanctuaire de l’autre côté de la place. Au fond, un chocolat chaud épais et sucré dont la préparation est tenu jalousement secrète (aurait-il un petit goût de cannelle ?). Au milieu, un café espresso bien amer et sans sucre. Et au-dessus, comme un battement d’ailes d’angelots, de la mousse de crème de lait.

Le bicerin serait né au XVIIIe siècle d’un ancêtre appelé « bavareisa » où les mêmes trois ingrédients étaient mélangés au lieu d’être superposés. Ici, pas question de mélanger, les trois couches se dégustent si possible séparément, et c’est ce « si possible » qui fait le charme du bicerin. Parfois les goûts se mêlent : c’est d’autant plus délicieux que le mélange semble coupable ! Riche, contrasté, un petit peu prétentieux, le bicerin est une boisson baroque parfaitement assortie à l’architecture turinoise.

Al Bicerin
Ouvert de 8h30 à 19h30 sauf le mercredi.
Piazza della Consolata 5 – 10122 Torino – Italie
www.bicerin.it

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Rubrique : Turin

Des restaurants « écolo-gastronomiques », vous en connaissez ? Ça sent le concept-markéteux-piège-à-bobos, non ? Eh bien, à Turin, ville du Slow Food, il existe Dausin – cibi vicini, un restaurant véritablement soucieux de contribuer à réduire les émissions de dioxyde de carbone. Une expérience originale qui prouve que l’on peut marier conscience écologique et excellence culinaire.

Tout est dans le nom. « Dausin » est la traduction de « Proche » en dialecte piémontais et « cibi vicini » signifie « plats du coin » en italien. On ne peut pas faire plus clair : ce restaurant est partisan du principe « zéro kilomètre » qui vise à réduire les émissions de dioxyde de carbone en proposant des mets cuisinés de préférence à partir d’ingrédients produits dans un rayon de 150 km autour de Turin.

Situé dans le quartier San Salvario de Turin, mondialement célèbre pour avoir vu grandir l’une des Doudes, Dausin – cibi vicini est un restaurant agréable tenu par de jeunes restaurateurs soucieux à la fois de la santé de la planète et des papilles de leurs clients. Chez Dausin, la carte est l’exact reflet de la production locale de saison. Des spécialités piémontaises dont les ingrédients ont été directement achetés à de petits producteurs locaux.

En ce soir de printemps où les Doudes y firent bombance, Dausin proposait, outre le buffet d’antipasti variés, des gnocchi au civet de lapin, des ravioli rouges à la crème de gorgonzola et aux trévises, des tajarin (les tagliatelles piémontaises) au citron et à la crème de broccoli crus et de scamorza (une sorte de mozzarella), du lapin au vin blanc, olives et carottes, de l’albese (tartare de veau) à la sauce moutarde et miel, etc.

En dessert, bien sûr, le bonèt, un flan typique du Piémont, mais également une tarte à l’amaretto ou la mythique Torta 900, un gâteau au chocolat spécialité d’une pâtisserie de la ville d’Ivrea au nord de Turin. Les vins sont bien sûr de production locale, ce qui n’est pas difficile à quelques encablures de Barolo…

Chez Dausin – cibi vicini, la logique « zéro kilomètre » s’applique même aux éléments non culinaires : nappes, carnets de commande, etc. Et si l’un des ingrédients ne pousse pas dans la région (par exemple, le cacao du bonèt), les propriétaires de Dausin prennent soin de se le procurer chez un petit fournisseur local.

Pour goûter les spécialités piémontaises lors d’un passage à Turin, Dausin – cibi vicini est un très bon choix : un restaurant à l’ancienne, comme au temps où manger dans une ville signifiait forcément goûter à des recettes régionales préparées à partir de produits locaux.

Environ 25 € par personne avec le vin.
Fermé le samedi midi et le dimanche.

Via Goito 9 à l’angle de la via Galliari, 10125 San Salvario – Torino – Italie
+39 011 6693933

La page Facebook de Dausin – cibi vicini

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Rubrique : Turin

Quand le mouvement Slow Food rencontre le monde des glaces, cela donne Grom, une petite chaîne turinoise qui surfe sur la vague du développement durable et qui commence à se développer à l’étranger. Ingrédients triés sur le volet, concept marketing ultraléché, les glaces Grom sont ce qui se fait de mieux, hors production artisanale.

En mai 2003, dans le centre de Turin, c’était le buzz du moment : un nouveau glacier avait ouvert, proposant de bons produits et rajeunissant le concept. Dans cette ville riche en glaciers historiques (Pepino, l’inventeur de l’esquimau enrobé de chocolat – le « pinguino » italien – et Fiorio, présent depuis le XVIIIe siècle), l’irruption d’une nouvelle star du gelato fit grand bruit. Depuis, plus de trente succursales Grom ont ouvert, en Italie mais également à Tokyo, Malibu, New York et… Paris.

Le concept Grom, c’est une glace faite « à l’ancienne » avec des ingrédients de qualité produits dans des conditions compatibles avec les principes du Slow Food et du développement durable. En 2007, Grom a acheté Mura Mura, une exploitation de huit hectares dans la région d’Asti, pour y planter des variétés anciennes de fruits, cultivés selon les normes de l’agriculture biologique.

Au-delà de ce joli concept marketobobo, que valent les glaces Grom ? Les Doudes, méfiants comme des belettes, sont allés enquêter au péril de leur taux de cholestérol. Côté parfums, rien à redire, nous sommes dans les grands classiques des gelati, déclinés selon la provenance des matières premières : noisettes Tonda Gentile delle Langhe (les Langhe sont une région du Piémont située autour de Barolo), citrons Sfusato Amalfitano (à côté de Naples), pistaches de Bronte (ville qui s’étend au pied de l’Etna), pêches de Leonforte (à côté d’Enna, également en Sicile), etc.

Côté glaces, la qualité est au rendez-vous même si, pour l’une des Doudes, on est un peu trop dans le produit calibré pour le goût général. Texture crémeuse sans être trop grasse, parfums bien dosés, mais on n’est pas dans la production artisanale à la Pozzetto. Peut-être est-ce l’environnement marketing superléché qui influence le jugement. Chez Grom, tout est pensé avec un œil sur le concept : coupes en papier certifié Forest Stewardship Council ; cuillères en Materbi, une sorte de plastique biodégradable produit à partir d’amidon de maïs et d’huiles végétales ; sorbets préparés à l’eau de source Lurisia ; etc.

Si vous passez par Turin, deux autres glaciers, plus artisanaux, valent vraiment le détour : Alberto Marchetti (où l’on peut déguster une délicieuse glace à la farine de maïs grillé, la farina bonna, ou au bonèt, un flan cacao-amaretti typique du Piémont) et notre préféré, Mondello, un microglacier sicilien à la diabolique glace au miel et au safran.

Grom à Paris : 81, rue de Seine – 75006 Paris.
Les quatres Grom turinois.
Pepino – Piazza Carignano, 8 – Torino, Italie.
Fiorio – Via Po, 8 – Torino, Italie.
Alberto Marchetti – Corso Vittorio Emanuele II, 24 bis – Torino, Italie.
Mondello – Piazza Emanuele Filiberto, 8 – Torino, Italie.

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