Rubrique : Thés

Aujourd’hui, les Doudes vous emmènent visiter la plus haute plantation de thé du monde. Le jardin de Kolukkumalai, à la frontière du Kerala et du Tamil Nadu, est le vestige vivant d’une manière de fabriquer le thé qui n’existe plus guère en Inde. Une opportunité unique de déguster un thé à l’ancienne devant l’un des plus beaux paysages du sous-continent.

 

Le Kerala et le Tamil Nadu sont séparés par une chaîne de montagnes qui court selon un axe nord-sud, les Nilgiri ou Western Ghats, célèbres pour leurs plantations de thé et de cardamome. À deux doigts de leur point culminant se trouve la plantation qui s’enorgueillit d’être la plus haute du monde. Les jardins de Kolukkumalai s’étendent entre 2000 et 2400 m d’altitude, à cheval sur la frontière entre les deux états, à une heure et demie de la ville de Munnar.

Monter à Kolukkumalai est une expédition : pendant près d’une heure, la jeep grimpe dans des sentiers escarpés entourés de champs de théiers. Secoué comme des noix dans un sac, on sent l’air devenir plus limpide, moins dense. Le chemin se termine à pied au milieu des théiers pour déboucher sur un spectaculaire paysage d’à-pics cascadant jusqu’aux plaines du Tamil Nadu. À perte de vue, des monts, des vallées, des falaises à couper le souffle, des écharpes de brume qui flottent sur les sommets.

Kolukkumalai a été fondé dans les années 1930 par des planteurs écossais. Aujourd’hui encore, les théiers qui couvrent ses 50 hectares sont ceux plantés par les fondateurs. Plus de 80 ans d’âge et encore une vingtaine d’années de production devant eux, sans jamais avoir vu l’ombre d’un engrais, d’un pesticide ou d’un arrosage artificiel. Les feuilles nouvelles (trois feuilles et le bourgeon) sont récoltées par des ouvrières originaires du Népal installées à demeure dans ce lieu isolé du monde.

La particularité de Kolukkumalai est de n’avoir jamais cessé de produire du thé à l’ancienne selon la méthode dite « orthodoxe ». Cette méthode est celle utilisée pour les grands thés de Darjeeling, d’Assam, de Chine… mais plus pour la vaste majorité des thés indiens. Elle repose sur un travail long et soigneux de la feuille, à l’opposé de la méthode industrielle dite « CTC » (crush-tear-curl) qui hache la feuille et le bourgeon pour donner un thé quasiment réduit à l’état de poudre (et qui finira en sachet).

Dans l’ancienne fabrique de Kolukkumalai, les feuilles sont d’abord mises à flétrir dans un courant d’air alternativement chaud et froid, avant d’être roulées dans une machine qui reproduit le roulage à la main (et qui date, elle aussi, des années 1930). Ensuite, elles sont grossièrement tamisées, oxydées sous une fine brume, puis passées au séchoir. Un dispositif ingénieux enlève les fibres (les tiges, les pétioles) avant qu’un tamisage trie les fragments selon leur taille : leaf, broken, fanning et dust. Chaque taille possède ses propres saveurs.

Le thé de Kolukkumalai est si fin et si parfumé qu’il a obtenu en 2005 le Golden Leaf India Award, la plus haute récompense pour le thé du sud de l’Inde. À côté de la fabrique, une échoppe propose la production locale à un prix dérisoire et un petit comptoir permet de déguster une tasse de thé d’une fraîcheur unique, tout en plongeant son regard dans les teintes de vert et de mauve du panorama.

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Rubrique : Boissons, Fruits & dérivés

Pour un pays musulman, les Turcs ont une sacrée connaissance des mille et une façons de tirer parti de la vigne et du raisin : feuilles farcies, raisins secs, pekmez, rakı, vin, etc. Au détour d’un repas, les Doudes ont découvert une autre façon d’utiliser les raisins secs, un fruit séché dont la Turquie est le premier producteur mondial.

Récemment, les Doudes se sont lancés dans une exploration systématique et coordonnée des hamburgers servis à Istanbul. Un bon hamburger, c’est important. Un bon hamburger, c’est une expérience tactile, visuelle et gustative complète. Un bon hamburger reflète forcément les habitudes culinaires du lieu où on le consomme, demandez donc aux grandes marques de fast-food : à chaque pays sa recette, même au sein d’une franchise.

La recherche doudienne du Graal hamburgérien stambouliote n’a pas été sans risque… Les Turcs ont l’habitude de leurs kébabs, de la viande hachée assez grasse, et les hamburgers locaux font plus souvent penser à des pljeskavica qu’au steak haché comme nous les consommons en Europe occidentale. Mais nous reviendrons là-dessus un autre jour…

Cette recherche pointue nous a amené à découvrir une boisson traditionnelle turque, compagnon naturel du kébab (en particulier de l’iskender kebab de Bursa) et des viandes grillées en général : le şıra (prononcez « sheura »). Cette boisson sucrée est, le plus souvent, simplement du jus de raisin à peine fermenté. Mais dans les meilleures maisons, le şıra est du jus de raisins… séchés ! Oui, bel oxymore, le jus de raisin sec.

La fabrication du şıra est simple : des raisins secs mis à tremper quelques heures puis broyés dans un mortier de pierre en une sorte de pâte sucrée qui est ensuite pressée deux fois (en rajoutant de l’eau entre les deux pressages) avant filtration. Le résultat est un délicieux liquide rose brique au goût intense de raisin sec, avec parfois une toute petite touche de fermentation.

Le şıra est réputé faciliter la digestion des viandes grillées mais il est également utile pour… attendre d’être servi. En effet, dans les gargottes à kébab, on est souvent assis parmi d’autres mangeurs et l’attente peut devenir cruelle pour celui qui a faim. Riche en sucre, le şıra permet de patienter en attendant de voir arriver la barbaque ruisselante de gras (c’est un peu toujours comme ça en Turquie).

Si vous passez par Istanbul en été, vous pourrez déguster un excellent şıra chez Vefa Bozacısı, haut-lieu de dégustation de la boza en hiver, à l’ombre des minarets de la Süleymaniye. Sinon, il vous faudra aller manger un bon kébab ou en fabriquer chez vous, avec des raisins secs foncés et de l’eau de source. Enjoy !

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Rubrique : Paris, Thés

À Paris, rares sont les lieux où faire l’expérience du gong fu cha, la cérémonie chinoise du thé. Au cœur du quartier Sainte-Anne, les Doudes vous conseillent la maison Zen Zoo Thesaurus : délicieux thés taiwanais, prix doux et accueil plus que chaleureux. Un havre de paix où découvrir l’intérêt de cette technique de dégustation particulière.

Depuis plus d’un siècle, la rue Chabanais est synonyme de plaisirs. Si la plus célèbre des maisons closes de luxe parisiennes, le Chabanais, a fermé depuis longtemps, le plaisir y subsiste sous la forme de deux restaurants : le simple mais efficace Hokkaido et le très branché Zen Zoo, cuisine taiwanaise simple et saine accompagnée de thés aux boules de tapioca, une irrésistible invention récente qu’il faut avoir goûtée au moins une fois.

À deux pas de son restaurant, la maison Zen Zoo a ouvert un salon de thé, Zen Zoo Thesaurus, antithèse calme et apaisante du restaurant. Chez Zen Zoo Thesaurus, des objets de décoration venus de Taiwan, de la vaisselle pour le thé à faire fondre votre Visa et une petite sélection de thés taiwanais de bonne tenue, voire excellents.

Pour les découvrir, il suffit de se poser à l’une des quelques tables situées au fond de la boutique. La carte propose l’ensemble des thés vendus sur place. Mis à part deux thés verts, Zen Zoo Thesaurus propose des thés wulong (oolong) taiwanais classiques adaptés au gong fu cha. Du plus fleuri au plus fruité : Bao Zhong (Pouchong), Dung Ding, Bai Hao (Beauté orientale) et Tie Kwan Yin.

Le gong fu cha est une technique destinée à magnifier les parfums d’un thé : minuscule théière en terre ferreuse propre à monter rapidement en température, dose élevée de thé, eau bouillante et temps d’infusion réduit à quelques dizaines de secondes (permettant ainsi de faire se succéder de nombreuses infusions). La liqueur obtenue est d’abord versée dans une tasse haute qui est ensuite vidée dans une tasse évasée. La première permet de sentir les parfums du thé (une invention taiwanaise assez récente), la seconde de goûter la liqueur à petites gorgées, comme un grand cru.

Infusion après infusion, les parfums et les saveurs du thé changent. Par exemple, un Dung Ding va d’abord révéler des notes de fleurs blanches (lilas, narcisse), puis libérer des parfums de fruits séchés ou d’écorces d’agrumes confites, alors qu’un Bai Hao vous étonnera par ses parfums de raisin muscat. En saison, Zen Zoo Thesaurus propose quelques Dung Ding de haute montagne aux arômes exceptionnels. Une explosion de fleurs dans la bouche.

Nul besoin de s’équiper en accessoires de gong fu cha pour apprécier chez soi les wulongs de Zen Zoo Thesaurus : ils sont également délicieux préparés en théière classique. Zen Zoo Thesaurus propose également des thés aux fleurs (osmanthe, lavande, etc.) et un Dung Ding aux fleurs de yuzu qui, cette année, a assuré les petits-déjeuners estivaux des Doudes à la plus grande joie des amis de passage.

Ceux qui ont dû subir les foudres des irrascibles propriétaires de la plus chère des maisons de gong fu cha parisiennes (suivez mon regard vers la place Monge…), ceux-là apprécieront également l’incroyable gentillesse de l’équipe de Zen Zoo Thesaurus et leur enthousiasme à vous faire partager les plaisirs sans fin du gong fu cha. Parce qu’un thé dégusté dans une atmosphère bienveillante est toujours meilleur…

Ouvert du lundi au samedi, 12h – 19h30

2 rue Chabanais – 75002 Paris
+33 1 42 96 17 32
zen-zoo.com

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Rubrique : Boissons

Avec l’été, les Doudes sont à l’affût de boissons rafraîchissantes originales. Cette année, la boisson de l’été doudien, c’est le thandai, un breuvage indien traditionnel à base de lait et d’épices. À faire soi-même… ou à acheter sous forme de concentré dans les épiceries indiennes.

Pour les Indiens du Rajasthan et autres provinces du Nord, le thandai est associé à certains festivals religieux comme, par exemple, Holi, la Fête des Moissons, ou Mahashivratri, la Grande Nuit de Shiva qui célèbre le Tandrava Nritya, la danse originelle de création, de préservation et de destruction du monde par ce dieu. Assez souvent, lors de ces fêtes religieuses, le thandai est mélangé à de la pâte d’inflorescences de cannabis fraîches (le « bhang ») pour faire une boisson hypnotique, le shardai.

Le thandai est préparé à la fois pour la consommation familiale et pour les offrandes au temple. Les recettes varient selon les régions mais, le plus souvent, elles contiennent du lait, du sucre, des amandes, de l’eau de rose, des graines de fenouil, des graines de melon ou de pastèque, de la cardamome, du poivre et, pour les plus fortunés, du safran. Dans tous les cas, le thandai se boit très très très frais !

Les Doudes vous proposent une recette de thandai. Mais, pour être honnêtes, il est tellement plus facile d’aller acheter du concentré de thandai à diluer dans du lait, nature ou fermenté, pur ou coupé d’eau glacée. Ce concentré se trouve facilement dans les épiceries indiennes. Par exemple, VS.Co Cash & Carry en propose plusieurs types : amandes, amandes et safran, mais aussi amandes, safran et épices-qui-arrachent-la-tête, le préféré des Doudes estivales.

Thandai

  • 600 ml de lait
  • 300 à 500 g de sucre en poudre selon votre goût
  • une cuillerée à soupe de graines de fenouil
  • deux cuillerées à soupe de poudre d’amandes
  • ½ cuillerée à dessert de graines de cardamome verte
  • ¼ cuillerée à dessert de poivre noir
  • deux cuillerées à soupe de graines de pavot blanc (khuskhus)
  • deux cuillerées à dessert de graines de melon ou de pastèque (magaztari ou kharboozey)
  • un jet d’eau de rose
  • quelques pistils de safran

Quelques heures auparavant, faites tremper les pistils de safran dans un demi-verre de lait, au frais. Passez les graines au moulin (ou au mortier). Mélangez-les avec la poudre d’amandes, le poivre, l’eau de rose et un peu d’eau pour faire une pâte épaisse. Laissez reposer une heure au frais, à couvert.
Placez la pâte dans une passoire très fine, une étamine ou un chinois. Passez lentement un peu de lait sur la pâte en mélangeant bien et en pressant. Recommencez plusieurs fois l’opération. À la fin, il ne doit plus rester dans la passoire que les enveloppes des graines. Recyclez du lait déjà passé si nécessaire.
Ajoutez le sucre et ajustez avec de l’eau à votre convenance. Mélangez bien. Ajoutez le lait au safran (vous pouvez laisser les pistils), mélangez et mettez au frais plusieurs heures. Servez glacé.

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Rubrique : Boissons, Cafés, Paris

Parisiens, vous en avez marre de votre cafetière à dosettes, des cafés-de-la-machine-du-bureau, des express hyperacides du café du coin ou des cafés mondialisés de la sirène verte ? Alors les Doudes ont la solution : un salon de dégustation qui propose des cafés de terroir sélectionnés venus du monde entier. Un salon mais pas seulement…

Cachée à l’ombre de la Cité internationale des arts, la Caféothèque est à la fois un lieu de dégustation, une torréfaction, un magasin de cafés, une école, un conservatoire des variétés de café et, derrière tout ça, une entreprise d’importation (sous la marque Soluna Cafés). Depuis sa création, la Caféothèque a formé des dizaines de baristi (les sommeliers/torréfacteurs) et de jeunes entrepreneurs désireux de se lancer dans le commerce éthique des plus de 50 000 cafés de terroir existant à travers le monde.

Tout démarre en 2001 avec une association lyonnaise, Connaissance du café, fondée par une Guatémaltèque, Gloria Montenegro, et son mari Bernard. Dans un pays comme la France où il existe une culture du vin, du parfum et du thé, Gloria Montenegro fait le pari que le concept de caféologie, pendant de l’œnologie, pourrait prendre. En 2005, devant le succès de l’association et de son Académie de caféologie, une entité commerciale est créée pour importer des cafés de petits producteurs et, ensuite, ouvrir un salon de dégustation.

Si, pour vous, le café se résume à la couleur du paquet ou à quelques marques italiennes, vous allez être surpris. À la Caféothèque, la carte propose une petite vingtaine de cafés venus d’une dizaine de pays. Parmi ceux dégustés par les Doudes, le Yergacheffe d’Éthiopie (parfums de marrons grillés, zeste d’orange et amande), le Misti du Pérou (fruits rouges et… glaïeuls), le Finca Las Nubes du Nicaragua (papaye verte, pamplemousse, malt), le M’Zuzu Farm du Malawi (fruits rouges confits, patate douce).

Vous y trouverez même du Jacu Bird Special (truffe, agrumes confits, amande) dont l’arôme si particulier tient au fait que, avant d’être récolté, le grain de café est digéré par un oiseau, le Jacu… Ne faites pas la grimace, le Kopi Luwak d’Indonésie, le café le plus cher au monde, est lui digéré par la civette palmiste, une sorte de furet local.

Si vous vous demandez ce qui ce cache derrière le monde impitoyable de la culture du café, si vous voulez découvrir ses richesses et aller au-delà des mélanges commerciaux dont nous nous contentons la plupart du temps, si vous voulez savoir pourquoi la torréfaction est aussi délicate, personnelle et décisive que l’élevage d’un grand cru vinicole et si vous souhaitez éduquer votre nez et votre bouche alors filez à la Caféothèque, un endroit comme aucun autre à Paris.

De 2,2 à 2,8 € la tasse (sauf pour les cafés bios et le Juca Bird, 8 €)
6,5 € la cafetière à piston

52, rue de l’Hôtel de Ville – 75004 Paris
+33 1 53 01 83 84
lacafeotheque.com

 

 

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Rubrique : Boissons, Cafés

Vous ne pouviez pas y échapper… Une ode au café turc, mi-liquide mi-pâte, ce breuvage emblématique de l’Orient. Pourtant, un symbole en perte de vitesse dans un monde de buveurs de thé et d’adeptes de cafés à l’américaine. Pas besoin de lire le marc pour savoir que cette ode aura des accents de nécrologie.

« Une tasse de café vaut quarante ans d’amitié ! » disent les Turcs. Le petit noir est, en Turquie comme ailleurs, un élément du lien social. Dans ce pays, où l’on boit du thé en permanence, le café traditionnel a des allures d’événement un chouia officiel. Par exemple, c’est la boisson que l’on sert lorsqu’on reçoit les futurs beaux-parents de ses enfants ou lors d’une noce ou d’un enterrement.

Le café turc (ou ottoman/arménien/grec/serbe, vous n’allez pas commencer…) se prépare à partir de café moulu aussi fin que la farine. Cette poudre est bouillie trois fois dans une sorte de petite casserole, le cevze, dont la base est plus large que le col. Le sucre est ajouté dès le départ, à une dose variable selon le souhait du client : çok (très), orta (moyennement), az (peu) et sade (sans). Pour un mariage, il est d’usage de le boire çok pour célébrer la douceur de la vie. Pour un enterrement, sade pour symboliser son amertume.

Le café turc se boit chaud, sitôt servi, en faisant de petits bruits de siphon. On boit à peu près la moitié du volume de la tasse. Le marc est laissé au fond. Les aventureux renversent la tasse sur la soucoupe après avoir fait tourner le marc. Dix minutes plus tard, la tasse est retournée et le marc peut être lu. Un poisson pour la chance, une rivière pour l’argent, un serpent pour un ennemi…

Si vous lisez l’avenir du café turc dans votre tasse, vous y verrez que les Turcs ont adopté en masse le café instantané et que les chaînes américaines à tronche de sirène et autres pullulent. La plupart des restaurants ne proposent même plus de café traditionnel, mais peuvent en général le commander au kahve du coin si vous insistez. En Turquie, le café turc commence à voir son futur en noir…

À Istanbul, il devient de plus en plus difficile de trouver un endroit qui se spécialise dans cette liqueur. Les Doudes, sur le conseil d’amis, vont dans un bouiboui dans une ruelle qui donne dans la grande avenue d’Istiklal. Chez Mandabatmaz (« Même un buffle n’y sombrerait pas »…), Cemil Pilik passe sa vie à faire du café turc… et ça se sent. À partir d’un mélange de cafés fait à façon, Monsieur Pilik prépare un breuvage riche comme un bon chocolat chaud, épais mais pas « farineux », dont le goût de marc (la particularité du café turc) est fort mais sans amertume. On s’assoit sur de petits tabourets dans la ruelle et le temps s’arrête l’espace de quelques gorgées…

Olivia Geçidi 1/A – Beyoğlu – Istanbul
(la ruelle en face de l’église Saint-Antoine)

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Rubrique : Boissons

Non, ce n’est pas la femme du clown… Verrrry funny ! La boza, c’est l’élixir énergétique des peuples turcophones, la boisson qui vous remet un janissaire en selle en plein cœur de l’hiver. Pour les palais novices, c’est une expérience gustative inédite, acide mais sucrée, crémeuse mais sans matière grasse.

La boza est une boisson fermentée traditionnelle d’Asie centrale que l’on retrouve aujourd’hui du Kirghizstan à la Serbie, sur les traces de l’Empire ottoman. Elle est particulièrement présente en Turquie où elle représente, avec le salep, l’un des plaisirs gustatifs de l’hiver. Même si les moyens modernes de réfrigération font que l’on en trouve désormais en été, la boza reste la boisson revigorante des frimas (avec un millier de calories par litre, elle peut l’être…) et des… femmes qui allaitent.

En Turquie, la boza est essentiellement fabriquée à partie de millet, les petites graines traditionnellement vendues pour les canaris… Après avoir été décortiquées, les graines de millet sont broyées, bouillies puis mises à refroidir dans de grands plats. Cette purée est ensuite filtrée, sucrée pendant le processus de fermentation et additionnée d’eau pour obtenir une consistance crémeuse (mais encore liquide).

Parce qu’elle est légèrement fermentée, la boza contient moins de 1 % d’alcool (mais certains producteurs en font sans alcool pour les musulmans pratiquants). D’une jolie couleur jaune poussin, la boza est légèrement acide mais cette première impression est rapidement atténuée par sa douceur. Fraîche, elle ne « pique » pas mais, après quelques jours, elle devient presque gazeuse (et n’est plus consommée). En Turquie, la boza est servie avec un soupçon de cannelle en poudre et des pois chiches grillés qui apportent une touche de croquant à l’affaire.

La boza n’est plus une boisson populaire parmi les jeunes générations turques. Si vous passez par Istanbul, ne manquez pas d’aller goûter de la boza de qualité dans la seule bozacısı (« débit de boza ») encore debout. Située dans le quartier de la Süleymaniye, la maison Vefa a été fondée en 1876 et continue d’être gérée par la famille des fondateurs. Avec son décor de bois blond et de faïences, et ses piliers couverts de miroirs à facettes, elle fait penser à l’enfant naturel d’un café portugais et d’une disco des années 1970.

Trouvez-y une place pour poser vos fesses, allez au comptoir chercher un verre de boza ultrafraîche (notez au passage les énormes seaux de marbre où est entreposée la boza) et laissez-vous aller à l’expérience de cette boisson d’un autre temps. Si vous souhaitez y jeter quelques pois chiches grillés, l’épicerie en face se fera un plaisir de vous en vendre dans un sachet de papier très vintage.

Ouvert tous les jours de 8 à 23 h – 1 € le verre.

Vefa Bozacısı
Katip Çelebi Caddesi 104/1 (mais le magasin est au début de Vefa Caddesi sur la gauche)
Vefa – Istanbul – Turquie
www.vefa.com.tr

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Rubrique : Boissons

Vous voilà en Provence, assis à la terrasse d’un café. Vous avez soif, très soif. Mais vous êtes fatigué du perrier-menthe et du coca zéro… Et vous avez envie de faire couleur locale, de ne pas passer pour le touriste que vous êtes. Alors prenez l’asseng et commandez un… gammmbetta-limonaaadeu, pardi !

Quand on a grandi du côté des Bouches-du-Rhône, du Vaucluse ou du Var, on a forcément des souvenirs de terrasses de bistrot ensoleillées quand on était pitcho. En général, les adultes vous commandaient soit le sirop rouge, soit le sirop vert, pendant qu’ils s’enfilaient des chapelets de pastagas bien tassés. Mais les plus chanceux, ceux dont les parents sortaient un peu du lot ou militaient pour les produits locaux, ceux-là avaient droit au gambetta-limonade. Au quoi ?

Le Gambetta, c’est un sirop provençal produit par la distillerie Janot, à Aubagne, une maison fondée en 1928 et également connue pour son pastis. La recette du Gambetta reste mystérieuse et semble avoir changé ces dernières années. Lorsqu’on interroge les Provençaux sur les ingrédients du Gambetta, ils citent spontanément la figue. Mais le fabricant parle de plantes (onze ?), comme la gentiane, ou d’écorces de fruits (comme la mandarine), ou de fruits… Comme dans le coca, du caramel est ajouté pour lui donner une jolie couleur brune ambrée.

Le Gambetta est un sirop épais à l’amertume nette et au goût complexe. Il se déguste allongé d’eau plate (mais c’est un peu… plat !), d’eau gazeuse (c’est mieux) ou, pour ceux qui ne craignent pas l’overdose sucrée, de limonade. L’acide citrique de la limonade ajoute un peu de vif au goût sombre du Gambetta. Certains mélangent le Gambetta au tonic, à la bière ou au lait. Dans tous les cas, le Gambetta se boit bien frais.

Dur dur de trouver du Gambetta ailleurs que le triangle Menton-Lyon-Perpignan. Pensez à faire vos provisions pendant les vacances. Depuis son rachat en 2007 par une distillerie de Haute-Provence spécialisée dans le génépi, la distillerie Janot, surfant sur la notoriété de la marque Gambetta, propose désormais toute une gamme de sirops Gambetta : bitter, lavande, rose, menthe, violette, châtaigne, etc. Mais celui dont il est question ici, c’est le Gambetta dit « classique » même si le rachat de la distillerie Janot semble avoir sonné le glas de la vieille formule utilisée depuis l’invention du sirop Gambetta.

Trop chic, le Gambetta a sa page Facebook… et même un groupe Facebook de cinglés sudistes de Bouc Bel Air qui s’intitule « Pour que le sirop Gambetta soit sans date de péremption » ! C’est vrai, que fait la police face à ce terrible problème de santé publique ?..

Le site de la distillerie Janot

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Rubrique : Boissons, Turin

Boisson emblématique de la ville de Turin, le bicerin est la savante superposition de trois couches distinctes : chocolat épais, café espresso et crème de lait mousseuse. S’il est servi dans tous les cafés de la ville, le vrai, l’unique bicerin se déguste chez son inventeur supposé, le café-pâtisserie « Al Bicerin ».

Parmi les nombreuses églises de Turin, ville du Saint Suaire, la plus émouvante est celle du Sanctuaire de la Vierge de la Consolation, la Consolata pour les autochtones. Ce sanctuaire très ancien est la juxtaposition de plusieurs styles : tour romane et modifications plus tardives sous l’égide des grands architectes baroques turinois, Guarino Guarini (au XVIIe) et Filippo Juvarra (au XVIIIe). La Consolation est un espace ovale entouré de petites chapelles également ovales, une sorte de multiplex religieux doré et chargé à souhait. Des murs entiers couverts d’ex-voto peints à la main témoignent de son importance dans la vie des Turinois.

Après l’émotion de la Consolata, il suffit de traverser la place pour s’asseoir dans un petit café-pâtisserie ouvert là depuis 1763. « Al Bicerin » a le charme désuet et l’accueil un peu formel et revêche des cafés historiques. On s’y installe en surveillant ses gestes pour y commander la boisson éponyme, le bicerin (prononcez « bitchérinn » ce qui signifie « petit verre » en piémontais), celle qui figure dans tous les guides touristiques et dans la correspondance d’Alexandre Dumas père, de Nietzsche ou de Puccini.

Quelques instants plus tard arrive un verre, aussi stratifié que le sanctuaire de l’autre côté de la place. Au fond, un chocolat chaud épais et sucré dont la préparation est tenu jalousement secrète (aurait-il un petit goût de cannelle ?). Au milieu, un café espresso bien amer et sans sucre. Et au-dessus, comme un battement d’ailes d’angelots, de la mousse de crème de lait.

Le bicerin serait né au XVIIIe siècle d’un ancêtre appelé « bavareisa » où les mêmes trois ingrédients étaient mélangés au lieu d’être superposés. Ici, pas question de mélanger, les trois couches se dégustent si possible séparément, et c’est ce « si possible » qui fait le charme du bicerin. Parfois les goûts se mêlent : c’est d’autant plus délicieux que le mélange semble coupable ! Riche, contrasté, un petit peu prétentieux, le bicerin est une boisson baroque parfaitement assortie à l’architecture turinoise.

Al Bicerin
Ouvert de 8h30 à 19h30 sauf le mercredi.
Piazza della Consolata 5 – 10122 Torino – Italie
www.bicerin.it

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Rubrique : Boissons

Si vous allez faire un tour en Turquie, goûtez une des boissons locales les plus populaires et probablement la plus dépaysante pour nos papilles, le şalgam suyu (littéralement, jus de navet !). Désaltérant et apéritif, ce jus salé accompagne bien les spécialités turques.

şalgam suyu #1 şalgam suyu #2 şalgam suyu #3

Le şalgam suyu, plus simplement appelé şalgam (shalgam), est fabriqué à partir d’une espèce de carotte violette au goût proche de celui de la betterave cuite. Traditionnellement, la préparation commence par la mise en fermentation de blé concassé, de levain et d’eau dans des barriques de bois de mûrier. Lorsque cette préparation est suffisamment acide, les carottes violettes cuites sont ajoutées, ainsi que des navets au goût prononcé (çelem). Au bout d’une semaine, le mélange est salé et laissé fermenter environ deux semaines, jusqu’à maturation. Ensuite, le jus est tiré des barriques, filtré et assaisonné.

Spécialité de la région d’Adana dans le sud de la Turquie, le şalgam suyu se trouve facilement dans tous les supermarchés turcs et la plupart des restaurants et des snacks de rue. Il en existe différentes variétés plus ou moins épicées. Rose foncé et translucide, il est généralement servi glacé dans de grands verres où trempent de longs morceaux de carottes au vinaigre (dene). Une sauce au piment peut y être diluée par ceux qui aiment leur şalgam très épicé.

Salé, acide, avec un fort goût de betteraves au vinaigre, le şalgam peut être déroutant pour les palais occidentaux. Néanmoins, il est parfait pour accompagner les kébabs, les plats épicés et les sandwichs au poisson (balık ekmek) si typiques d’Istanbul. Tous les petits vendeurs de balık ekmek autour du pont de Galata proposent des verres de şalgam dont la jolie couleur rose égaie leur étalage. Profitez-en pour goûter à cette curieuse boisson.

Un petit verre de şalgam est parfois servi avec le rakı (l’anisette turque) pour atténuer les effets de l’alcool. Il possède également la réputation d’aider à digérer et à se protéger des rhumes en hiver.

Le şalgam se trouve facilement dans les épiceries turques. Mervan en a du doux et de l’épicé qu’ils vendent en roulant des yeux tellement ils aiment en boire lorsqu’il fait chaud !

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