Rubrique : Épices, condiments & herbes

La cardamome est l’une des épices préférées des Doudes qui en font grand usage et qui, pour ne jamais se trouver à court, en connaissent même le nom dans des langues improbables. Pour en savoir plus sur la gousse magique, le Festin a franchi les mers et a pu voir la petite merveille dans son habitat naturel. Et là, surprise, la cardamome… ne pousse pas sur les arbres !

La cardamome est une épice au double visage : cardamome verte (Elettaria cardamomum, de saveur forte et camphrée) et cardamome brune (Amomum subulatum, aux parfums sombres et fumés). Ces deux espèces font partie de la même famille que le gingembre et le curcuma et poussent dans les montagnes tropicales, entre 800 et 1500m d’altitude. C’est au cœur des montagnes du Kerala, au sud de l’Inde, que le Festin a pu enfin découvrir la culture de la cardamome verte.

Pour visualiser un champ de cardamome, imaginez une jungle en pente : de grands arbres, de la verdure partout et, en sous-bois, une sorte de palmier d’appartement géant (jusqu’à trois mètres de hauteur) forme une brousse impénétrable. Votre regard cherche en vain des gousses dans les airs… jusqu’à se poser à la base de ces touffes. Là, minuscules par rapport à la taille de la plante, sortant directement du sol, de petites hampes portant quelques rares fleurs blanc-rosé et des gousses d’un vert pâle brillant.

À la manière des ramasseuses de thé qui travaillent dans les jardins avoisinants, les femmes chargées de récolter les gousses de cardamome circulent dans cette jungle pentue, un travail épuisant. Les gousses mûres sont ramassées et séchées dans des souffleries. Malgré le faible rapport entre la taille de la gousse et celle de la plante, la culture de la cardamome rapporte un joli bénéfice : au poids, la cardamome est la troisième épice la plus chère après le safran et la vanille.

Les amis afghans des Doudes les ont mis en garde : une fois moulue, la cardamome perd rapidement son arôme. Il est donc préférable de l’utiliser entière (gousses fendues) ou de moudre les graines à la dernière minute, par exemple pour les mélanger à du café moulu.

Hors des pays asiatiques, la cardamome est surtout populaire au Moyen-Orient (pour parfumer le café) et en Scandinavie (en particulier pour la pâtisserie). En cuisine, au-delà des plats indiens, perses ou extrême-orientaux qui en font grand-usage, la cardamome se marie très bien avec les recettes à base de potiron (par exemple, en soupe avec un peu de gingembre), avec les desserts lactés ou les glaces, ou dans la pâtisserie (par exemple, les Finlandais font une délicieuse brioche parfumée à la cardamome, la pulla).

La prochaine fois que vous utiliserez de la cardamome, ayez une petite pensée reconnaissante pour les ramasseuses aux mollets musclés…

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Il y a quelques temps, les Doudes vous avaient entretenus de Marmite, une pâte de levure britannique. Aujourd’hui, cap sur l’Helvétie pour découvrir la version locale de la pâte à tartiner maltée. Le Cenovis, c’est de la Suisse en tube, la proustomadeleine des petits Romands…

Comme Marmite, le Cenovis est un sous-produit de la fabrication de la bière qui met en valeur les amas de levures déposés au fond des cuves. C’est en 1931 qu’un brasseur de la région de Bâle, Alex Villinger, probablement inspiré par la trentenaire Marmite, décida de commercialiser ces levures. Rincées, enrichies de sel et d’extraits de légumes (carottes et oignons, entre autres), elles forment le Cenovis, une marque créée à partir de deux mots latins (cenare, manger et vis, la force).

Depuis 80 ans, le Cenovis fait partie des habitude alimentaires suisses, davantage chez les Romands que chez les Alémaniques. Riche en vitamines B (surtout en B1 qui est rajoutée lors de la fabrication), il était intégré dans les rations des bidasses helvètes ce qui boosta sa réputation d’aliment santé. Essentiellement consommé sur des tartines, il a fait le bonheur des goûters de nombreuses générations d’Heidi…

Pour apprécier Cenovis à sa juste valeur, mieux vaut le poser sur une tartine beurrée. La matière grasse agit à la fois en exaltant et en adoucissant son goût puissant. Inutile de préciser que, comme pour toutes les pâtes à base de levure, le monde se divise entre ceux qui en raffolent et ceux qui ont l’estomac qui leur monte aux lèvres.

Aujourd’hui, le Cenovis est disponible sous forme de pâte (avec ou sans sel, ce qui est une bonne chose, la pâte originale étant assez salée). Récemment, de petits sachets individuels de pâte ont vu le jour pour les randonneurs ou les écoliers. Cenovis existe également sous forme de condiment liquide ou en poudre, ce qui met en avant l’utilisation de Cenovis dans la cuisine, comme une alternative à la sauce soja, par exemple dans une vinaigrette ou une marinade.

Porté par la longévité du Cenovis, le nouveau propriétaire de la marque a récemment commercialisé une pâte concentrée à base de pommes, de poires et de dattes destinée à accompagner les fromages. Les Doudes vont faire marcher leur réseau translémanique pour vous en parler bientôt.

cenovis.ch

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Olivier Rœllinger, ça vous dit quelque chose ? Le cuisinier triple-étoilé des Maisons de Bricourt à Cancale ? Le spécialiste reconnu des épices et de leur utilisation dans la cuisine contemporaine ? Après avoir ouvert deux boutiques d’épices « maison » à Cancale et à Saint-Malo, il en a récemment ouvert une troisième à Paris. Visite obligatoire pour les papilles aventurières des Doudes.

Olivier Rœllinger se définit comme un « cuisinier corsaire ». Fasciné par le monde de la flibuste qui prospérait dans la Bretagne du XVIIe siècle, par les bateaux chargés de cannelle et de poivres qui arrivaient à Saint-Malo et faisaient les fortunes locales, ce cuisinier a développé une réputation de grand expert des épices et de l’art de les mettre en valeur, en particulier dans les plats de poissons ou de légumes. Depuis une trentaine d’années, il fabrique pour son propre usage des mélanges de poudres d’épices rares ou moins rares.

Depuis quelques années, ces mélanges étaient proposés, ainsi qu’une vaste sélection d’épices de tous pays, dans une boutique à Cancale. Une succursale vient d’ouvrir à Paris, rue Sainte-Anne, au milieu des restaurants japonais et coréens du quartier de l’Opéra. Dans une décoration simple évoquant les voyages maritimes (dont une très étrange maquette de bateau réalisée en… clous de girofle !), Épices Rœllinger propose une étonnante variété d’épices de toutes saveurs, ainsi que divers produits d’épicerie fine.

Pas moins de vingt-six poivres différents, douze variétés de vanille, une vingtaine de mélanges maison destinés aux plats salés comme aux plats sucrés, sept sels parfumés et huit huiles aux aromates. Les Doudes ont craqué pour un mélange et un poivre destinés aux fruits (le fruit épicé, une grande passion de Doudes) : la Poudre Défendue (anis vert, gingembre, cannelle, autres épices) parfaite pour les pêches, et le Kampot rouge du Cambodge (délicieux sur les fraises). Également dans la besace des Doudes, du poivre long d’Indonésie et de la Poudre de Neptune (aneth, fenouil, badiane, algues, autres épices) pour les produits de la mer.

Intrigantes, les huiles parfumées au cumbavas (ou kaffir, un agrume indien) ou à l’ajowan, la vanille tahitienne de l’île de Tahaa (recommandée pour la crème chantilly) ou papouasienne (pour les sauces à poissons !), ou la Poudre d’Or à base de coriandre, de curcuma, de bois d’Inde (une sorte de laurier antillais) et d’amchoor (de la poudre de mangue verte sauvage indienne) destinée à relever… les huîtres.

Pour les personnes qui veulent en apprendre plus, des cours d’usage des épices sont proposés dans le cadre de l’École de Cuisine Corsaire à Cancale. Pour celles qui sont loin de Cancale, un site internet propose informations, recettes et vente en ligne.

Ouvert du mardi au samedi, de 10h à 19h.

51 bis rue Sainte-Anne – 75002 Paris
+33 1 42 60 46 88

www.epices-roellinger.com

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Certains produits alimentaires sont emblématiques de la culture culinaire qui les a engendrés et ne sauraient manquer dans les placards des cuisines locales. En Hongrie, le passe-partout alimentaire, c’est le Piros Arany, un concentré de paprika qui illumine les plats les plus divers !

« Qui a du paprika et du sel ne manque de rien. » dit un proverbe hongrois. Depuis le XVIIe siècle, la cuisine hongroise est toute entière sous influence capsaïque (Capsicum annuum, le poivron). Pas de plat typique magyare sans paprika et les cuisinières en distinguent autant de sortes que les Esquimaux de neiges : paprika cerise, paprika tomate, paprika bácskai, paprika vert, paprika jaune, paprika tarinabellacziczi, etc.

Pour continuer à se paprikatiser à la morte saison, les ménagères magyares préparent de la « confiture » de paprika, une sorte de concentré qui se conserve tout l’hiver. Pour les cziczigales qui ont préféré chanter au temps chaud, il existe heureusement depuis 1963 le Piros Arany, littéralement l’Or Rouge, un concentré industriel qui est à la cuisine hongroise ce que l’aubergine est à la cuisine turque : l’alpha et l’oméga. L’Or Rouge, c’est aussi le nom que l’on donne en Hongrie au paprika séché. Chaque année, ce pays en produit 10 000 tonnes dont plus de la moitié sont consommées au niveau national (on estime qu’un Hongrois en ingère environ ½ kg chaque année en moyenne !).

Comme nous le confiaient nos magyarophiles préférés autour d’un repas au Petit Budapest, « quand tu mets du Piros Arany dans un plat, il devient automatiquement hongrois » ! Le Piros Arany, c’est du paprika frais dans un tube. Le concentré de tomates des Méditerranéens. Ça va partout : ragoûts, sauces, pâtes, salades, œufs brouillés et, bien sûr, goulash et poulet au paprika. Il existe deux sortes de Piros Arany : doux (édes) ou épicé (csípös ou erös). Il en existe même une version enrichie d’oignons, de tomates, de cumin et d’épices appelée Gulyáskrém, vraiment pratique.

Les Hongrois ne sont pas les seuls à construire leurs plats sur du concentré de paprika : les Serbes ont l’« ajvar » (souvent enrichie d’ail et d’aubergine) et les Turcs la « tatlı biber salçası ». Quelle que soit la provenance de la pâte de paprika, foi de Doudes, n’hésitez pas à vous en équiper : pour préparer une sauce tomate de la muerte que mata, pour tartiner sur un pljeskavica, pour donner du relief à une daube provençale, ou juste en tartine avec un fond de beurre.

Le Piros Arany et l’ajvar sont disponibles dans les épiceries mitteleuropéennes (par exemple, ici ou chez Ronalba, 58-60 rue du Faubourg Saint-Denis, 75010), la tatlı biber salçası et l’ajvar dans notre épicerie turque préférée.

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Dans la série des aliments sortis d’on-se-sait-où, il est normal que le Festin consacre un article à Marmite, cette pâte britannique plus que centenaire qui fait crier de dégoût la plupart des Continentaux. Un classique qui, depuis quelques années, cherche à se donner une image quasi-branchouille.

Là où il y a des brasseries, il y a des résidus de brassage. Ces amas noirâtres formés par les levures destinées à fermenter la bière sont utilisés pour préparer Marmite (prononcez « Marmaïte »). Les levures sont traitées au sel et filtrées pour donner un liquide brun qui est ensuite concentré et enrichi en vitamines (même si la matière première en contient déjà beaucoup). Selon les pays, la pâte obtenue porte des noms de marque différents : Marmite au Royaume-Uni, Vegemite et Promite en Australie (mais ils ont aussi leur recette particulière de Marmite, fabriquée en Nouvelle-Zélande, moins intense et parfumée au caramel), Cenovis en Suisse, etc.

Marmite est un peu l’ancêtre de toutes ces pâtes puisqu’il est né en 1902, soit avant la découverte des vitamines qui allaient faire son succès. En effet, Marmite est très riche en vitamines B, particulièrement importantes pour le système nerveux et pour prévenir l’anémie. Pendant la Première Guerre Mondiale et dans les années qui suivirent, la réputation de Marmite s’est construite sur cette richesse en vitamines à une époque où l’alimentation n’était pas vraiment optimale.

Quelque soit la marque, les extraits de levure de bière sont salés et fort en goût, un goût malté très intense qu’il faut apprendre à aimer. Pour s’y faire et profiter de leurs bienfaits nutritionnels, le meilleur moyen est de préparer un mélange à part égale de beurre et de pâte de levure, et de tartiner ce mélange sur une belle tranche de pain. Ah… là déjà, ça va mieux ! Les plus courageux peuvent se titiller le réflexe nauséeux avec certaines préparations « à l’anglaise » : dans du lait chaud avec du miel, tartiné avec du beurre de cacahuètes ou des œufs brouillés, tartiné avec des bananes écrasées, ou, comble de l’albionisme perfide, tartiné avec du beurre et de la marmelade d’oranges. Pour les extrémistes, signalons un livre de recettes autour de Marmite.

Récemment, Unilever, le géant de l’agroalimentaire qui possède la marque, a tenté de rajeunir l’image de Marmite à grands coups d’éditions spéciales : enrichi au champagne (pour la Saint-Valentin…) ou aux levures qui servent à brasser la Guiness, par exemple. De plus, toutes sortes de snacks marmitisés ont récemment vus le jour : biscuits d’apéritif, noix de cajou, crackers de riz et même… poudre pour chocolat chaud parfumée au Marmite !

En France, Marmite est assez facile à trouver dans les grandes surfaces (rayon Produits d’entretien exotiques) ou dans les épiceries britanniques. Enjoy!

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Pour un occidental, cuisiner avec de l’eau de rose est toujours délicat. Comment ne pas transformer son plat en savonnette de Tatie Rosette ? Comment éviter les grimaces des invités ? Les Doudes vous donnent leurs trucs pour éviter que la petite bouteille précieusement acquise chez l’épicier libanais ne finisse sa vie en parfumant les draps…

L’eau de rose est une vieille histoire. La technique de distillation des pétales de rose à la vapeur date probablement du IXe – Xe siècle, quelque part au Moyen-Orient. Cette distillation fournit à la fois l’essence de rose (utilisée dans les parfums) et l’eau de rose. Cette eau est traditionnellement utilisée dans les cosmétiques, mais également dans de nombreux rituels religieux. Par exemple, dans les temples hindous consacrés à Shiva, le lingam sacré (une pierre polie symbolisant le phallus divin) est régulièrement baigné d’eau de rose…

Dans la cuisine, l’eau de rose est présente du Proche-Orient au nord de l’Inde. On la trouve dans de nombreux desserts (muhallebi, aşure, güllaç, halva, loukoums, etc.), dans des gâteaux (par exemple les maamouls ou dans la pâte d’amandes de nombreuses pâtisseries), dans des plats salés (nirbach, salade de carottes, cailles rôties, etc.) et dans des boissons (lassis indiens, citronnade, etc.).

Comment utiliser l’eau de rose ? Tout d’abord, mieux vaut en utiliser de toutes petites quantités pour éviter l’effet « savonnette ». Idéalement, un invité ne devrait pas être capable de reconnaître la rose, juste un parfum mystérieux. Ensuite, pour en préserver la fragile saveur, l’eau de rose doit être ajoutée en toute fin de cuisson. Elle peut également se cuire, mais il faut alors en mettre davantage et le parfum obtenu est différent, moins intense mais plus rond.

Comment intégrer l’eau de rose dans la cuisine occidentale ? Souvenez-nous qu’elle se marie particulièrement bien avec les fruits (fraises, melon, pêches, abricots) et qu’elle fait merveille dans les gâteaux (elle transforme le quatre-quart le plus basique en gâteau de Shéhérazade). Essayez la compote de pêches à l’eau de rose, ou les fines tranches de coing pochées dans un sirop parfumé à la rose, terriblement raffinées. Pour vous mettre l’eau (de rose) à la bouche, les Doudes vous proposent une recette de risotto sucré, pas léger léger mais vous n’êtes pas non plus obligé d’en manger des brouettes…

Risotto à la vanille et à la rose

Pour 4 ramequins

  • 200 g de riz à risotto (Arborio ou Carnaroli)
  • 600 ml de lait
  • 75 g de beurre
  • 50 g de mascarpone
  • 1 cuillerée à soupe de crème fraîche épaisse
  • 2 cuillerées à soupe de sucre en poudre
  • une demi-gousse de vanille fendue en deux
  • un petit verre de vin blanc doux (genre Monbazillac ou Muscat)
  • 2 cuillerées à soupe d’eau de rose
  • canelle en poudre
  • pistaches hachées (pour décorer)

Faites chauffer le lait et le sucre. Dans une poêle, faites fondre le beurre. Ajoutez le riz et la gousse de vanille (grattez les graines avec la pointe d’un couteau et mélangez-les au riz en plus de la gousse) et remuez. Quand le riz est luisant, ajoutez le vin doux et remuez jusqu’à évaporation du liquide.
Ajoutez le lait sucré demi-louche par demi-louche, sans jamais cesser de remuer, jusqu’à absorption, le tout prenant environ trente minutes (prévoyez un peu plus de lait si vous aimez le riz bien cuit). Retirez du feu et incorporez doucement le mascarpone, la crème fraîche, l’eau de rose et une pincée de cannelle.
Répartissez le risotto dans les ramequins et saupoudrez de pistaches hachées avant de servir.

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Un blog de doudes provençales ne serait pas complet sans un article sur la lavande. Cette plante aromatique, longtemps confinée dans les armoires et les buanderies, est devenue populaire dans la cuisine, avec plus ou moins de succès. En effet, comme la rose, la lavande tend à provoquer des commentaires du type « Ça me rappelle une savonnette que j’ai bien connue… ».

Quand elle était petite, l’une des unités doudiennes passait ses vacances d’été dans le village familial, au cœur des Alpes de Haute Provence (alors baptisées Basses-Alpes, vous voyez la promotion…). Le soir, arrivaient dans le village les remorques chargées du lavandin récolté le jour même par des ouvriers agricoles qui s’en revenaient couverts de sueur, mais fleurant bon la lessive.

Dans la chaleur du soir, tout le village embaumait le trésor bleu attendant d’être conduit à l’alambic après le dîner. Un parfum étourdissant se répandait, l’odeur de l’été, l’odeur de l’argent aussi, au prix où se vendait l’essence de lavandin (la version cultivée de la lavande sauvage). Cette odeur, c’était celle de la survie de terres dépourvues d’eau qui avaient trouvé dans le lavandin un usage plus profitable que le blé.

À cette époque-là (je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans, gnagnagna), la divine fée bleue ne mettait pas les pieds (de lavande, ahahah) dans la cuisine. À part quelques vieilles tantes cacochymes qui en faisaient des tisanes, personne n’aurait eu l’idée d’en mettre un brin dans un dessert. Nous en faisions de kitschissimes objets tressés de rubans multicolores (corbeilles, bouteilles, parapluies ouverts ou fermés, etc.) pour parfumer le linge et la maison, mais de lavande culinaire, point, si ce n’est sous la forme du miel issu du laborieux travail de nos amies les abeilles.

Aujourd’hui, la lavande pointe ses fleurs bleu ciel de Provence dans de nombreux desserts, les grands classiques étant la glace et les macarons. Elle se marie particulièrement bien avec le melon cantalou (charentais), la pêche, la nectarine et l’abricot : les soupes de ces fruits parfumées à la lavande et au muscat de Beaumes-de-Venise sont un dessert estival très rafraîchissant, et une tarte aux abricots est magnifiée par une sous-couche de gelée de lavande. La lavande aime également les desserts à base de fromage blanc ou les entremets, par exemple une pannacotta ou un tiramisù.

Mais la lavande aime aussi les plats salés. On peut, par exemple, mélanger des fleurs de lavande dans la pâte à beignet destinée à préparer des fleurs de courgette. Ou l’intégrer dans une marinade où des morceaux d’agneau ou de cabri attendront tendrement la brochette et le barbecue. Dans cette marinade, vous pourrez également ajouter du miel de lavande qui reste encore la meilleure manière de manger un peu de ces chaudes soirées d’été.

Pour l’unité doudienne élevé dans la magie bleue, le comble de la lavande culinaire reste une bonne tartine de fromage de chèvre frais (le plus frais possible) couronnée d’une couche dorée de miel de lavande, le meilleur miel du monde juste devant le miel d’ulmo du Chili… mais c’est une autre histoire.

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En Provence, on dit : « Qu’a de sauví dins soun jardin, n’a pas besoun dou medecin ! » Si la sauge est l’une des reines de la médecine par les plantes, elle règne également dans la cuisine méditerranéenne. Son parfum intense ne laisse aucun gourmet indifférent : on l’adore ou on la déteste !

La sauge officinale (Salvia officinalis) est une plante commune dans les pays du pourtour méditerranéen. Son nom latin, Salvia, signifie « celle qui sauve ». Depuis l’Antiquité, elle est traditionnellement utilisée pour soulager les maux de ventre et les digestions difficiles, lutter contre la transpiration excessive ainsi que les sueurs nocturnes liées à la ménopause. Mais elle doit être utilisée avec modération du fait de sa richesse en thuyones, des substances toxiques.

Dans la cuisine, la sauge est utilisée avec parcimonie tant ses huiles essentielles sont puissantes (et amères). Quelques feuilles suffisent pour parfumer un rôti de porc, un gigot d’agneau ou un aïgo boulido, le bouillon d’herbes que les Provençaux consomment les lendemains de fête (ail, sauge, laurier, thym, huile d’olive). L’une des unités doudiennes se souvient de son défunt père qui frissonnait de dégoût lorsqu’une feuille de sauge avait eu le malheur de traîner dans un plat : « Ça a le goût du médicament ! » criait l’infortuné qui avait sûrement dû ingurgiter des litres de tisane de sauge dans son enfance.

Les Doudes ont une recette fétiche avec la sauge dont vous nous direz des nouvelles extatiques…

Gnocchi alla salvia

Pour 4 personnes

  • 400 g de gnocchi frais (si vous avez le courage de les faire, c’est mieux !)
  • 90 g de beurre ramolli
  • 12 feuilles de sauge fraîche
  • 65 g de parmesan fraîchement râpé

Faites cuire les gnocchi vingt par vingt dans de l’eau bouillante salée pendant trois minutes après leur remontée à la surface de l’eau. Égouttez-les. Dans une poêle à fond épais posée sur un feu moyen, faites fondre les deux-tiers du beurre, placez-y les gnocchi, six feuilles de sauge et le parmesan râpé. Faites revenir pendant une minute et réservez sur un plat chaud.
Dans la poêle, placez le reste du beurre et les six feuilles de sauge restantes et laissez cuire à feu doux jusqu’à ce que les feuilles soient translucides. Arrosez les gnocchi avec cette préparation et servez aussitôt avec un petit bol de parmesan râpé.

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Certains aliments tracent une ligne mystérieuse et infranchissable entre ceux qui les adorent et ceux qui préfèreraient repartir le ventre vide plutôt que les consommer. Les feuilles de coriandre fraîche font partie de ces aliments qui révulsent une minorité de gastronomes. Mais pourquoi tant de haine ? Les Doudes sont parties enquêter.

La coriandre (Coriandrum sativum, parfois appelée « persil arabe ») est une plante originaire du Proche-Orient. Elle est consommée sous forme de graines (habituellement bien tolérées) ou sous la forme de feuilles fraîches au parfum prononcé. Les détracteurs de la coriandre fraîche (qui ont leur groupe sur Facebook et qui vénèrent Julia Childs, grande pourfendeuse de coriandre devant le Grand Cuisinier Éternel) comparent ses saveurs à deux éléments peu compatibles avec la cuisine : le savon et… les punaises, ces insectes qui, agressés, émettent une substance à l’odeur épouvantable.

Dans leurs critiques, les anti-coriandre n’ont pas tort : la saveur particulière de la coriandre fraîche est due à une famille de substances, les aldéhydes, qui se retrouvent dans les savons et dans les sécrétions des punaises. Les aldéhydes sont également à l’origine de l’odeur musquée des melons cantaloup trop mûrs (« Pouah, il a le goût de la punaise ! » s’écrie chaque été la mère d’une des Doudes qui, chaque fois, se demande à quel moment de sa vie sa mère a bien pu manger des punaises…). Mais pourquoi certains d’entre nous sont-ils réfractaires à ces aldéhydes ?

On soupçonne deux origines à ce rejet violent. Une cause génétique qui serait associée à une plus grande sensibilité à ce type de substances (au détriment des autres saveurs de la coriandre fraîche) et une cause liée à l’expérience. En effet, lorsque nous faisons l’expérience d’une saveur nouvelle, notre cerveau cherche immédiatement à la comparer à des saveurs déjà connues. Ceux dont l’alimentation habituelle ne contient pas de coriandre fraîche vont associer le parfum des aldéhydes à d’autres souvenirs, savonneux ou punaiseux !

Que faire lorsqu’on fait partie des anti-coriandre et que l’on voyage dans un pays où cette plante est largement utilisée (le Portugal, l’Asie du Sud-est, l’Amérique du Sud, par exemple) ? Eh bien, une seule solution : déconditionner le cerveau et lui apprendre à associer les aldéhydes à des nourritures agréables. Pour cela, il suffit de hacher menu la coriandre fraîche et de la laisser reposer. Les enzymes contenues dans les cellules vont lentement digérer les aldéhydes et la coriandre, devenue douce comme une feuille de basilic, deviendra plus acceptable. Petit à petit, il suffira de réduire le temps de digestion enzymatique pour éduquer progressivement le cerveau à accepter la saveur forte et riche des feuilles de coriandre dans une açorda lisboète ou une salade de halloumi grillé.

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Rubrique : Épices, condiments & herbes, Produits de la mer

Comme tous les Provençaux, les Doudes vénèrent la pâte d’anchois, humble fille du très illustre garum des Romains et sœur des délicieux pissalat niçois et mélets martégaux. Grâce à sa richesse en acides aminés, dont le glutamate, la pâte d’anchois est le secret d’une cuisine savoureuse. N’hésitez pas à en user et à en abuser !

Il y a environ 4.000 ans, les Babyloniens connaissaient déjà les vertus gustatives des poissons salés fermentés. Ils en faisaient un condiment, le siqqu. Les Grecs l’ont probablement adopté et adapté sous le nom de garos, puis les Romains en ont fait leur garum (également appelé liquamen ou, sous sa forme pâteuse, hallex). On retrouve également ce type de condiment en Asie : nuoc nam vietnamien, nam pla thaïlandais, patis philippin, etc.

Le principe de ces condiments est toujours le même : des poissons (anchois, sardine, maquereau, thon, etc.) ou les viscères de ces poissons sont mis à fermenter dans le sel. Sous l’action des enzymes et des micro-organismes présents dans les intestins, le mélange s’autodigère. La pâte obtenue peut être utilisée telle quelle ou continuer à fermenter pour devenir liquide. Le résultat est un condiment riche en acides aminés, dont certains (acide glutamique, acide aspartique, alanine, etc.) ont la propriété d’amplifier les saveurs des plats qui les contiennent (c’est l’effet « umami », également obtenu avec du shōyu ou du parmesan).

En Provence et sur la Côte d’Azur, il subsiste divers descendants du garum : à Nice, le pissalat qui est une pâte faite à partir d’alevins de sardines (joliment appelés « poutine », mais aucun rapport avec le plat québécois) saumurés, fermentés et parfumés aux épices ; à Martigues, les mélets sont des alevins (d’anchois ? de melettes ?) préparés de la même manière et parfumés au fenouil et au poivre. Mais ces produits étant assez difficiles à trouver, la plupart des Provençaux se contentent de pâte d’anchois, moins goûteuse mais plus pratique.

Et que font les Doudes avec la pâte d’anchois ? Le plus souvent, elles font le quichet ! Le quichet, c’est de la pâte d’anchois diluée dans l’huile d’olive. On s’en sert pour faire une tartine ou comme vinaigrette pour une salade. Sur le même principe, diluée dans de l’huile d’olive maintenue chaude, la pâte d’anchois entre, avec l’ail et le lait, dans la préparation de la banha cauda provençale et piémontaise où l’on trempe des légumes crus taillés en bâtonnets.

Il existe mille autres manières d’utiliser la pâte d’anchois pour augmenter les saveurs d’un plat. Essayez le gigot d’agneau tartiné de quichet à l’ail : vous nous en direz des nouvelles ! Les cardons peuvent également se préparer avec de la pâte d’anchois. Mettez-en partout : la pâte d’anchois, c’est l’ingrédient mystérieux qui fera se pâmer vos convives ! Elle est assez difficile à trouver dans le nord de la France. Deux solutions : l’achat en ligne (par exemple, ici) ou bien la fabrication maison à partir d’anchois salés réduits en purée.

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