Rubrique: Légumes

Ce n’est pas toutes les semaines que le Festin vous présente un plat qui figure au Patrimoine culturel immatériel de l’humanité ! Depuis novembre 2011, le keşkek fait partie de cette liste de « pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire ». Car, plus qu’une recette, le keşkek est une tradition bien vivante en Anatolie, en Iran, dans le Sud-Caucase et dans certaines îles grecques.

Au premier degré, le keşkek est un plat archi-simple à base de viande et de blé écrasé. Rien de très excitant. Pourtant, ce plat rustique est l’un des piliers centraux des communautés rurales qui le pratiquent. Pas un mariage, une circoncision, une fête religieuse ou un pèlerinage sans keşkek. Même les prières pour la pluie s’accompagnent de ce plat qui est à la fois une nourriture, un chant et une communion.

Comme le sumalak ouzbek (dont nous vous parlerons un jour), le keşkek est un plat qui implique d’être cuisiné collectivement, à l’échelle d’une communauté ou d’un village. Il symbolise l’identité et l’effort communs, le partage, les traditions, la survie du groupe. Sa préparation et sa consommation sont tellement chargées symboliquement qu’elles sont devenues un élément essentiel de la cohésion du groupe. D’où l’inscription du keşkek au patrimoine culturel immatériel.

Tout commence la veille de la cérémonie autour de grains de blé lavés en récitant des prières, puis emmenés en procession au son d’un tambour et d’un hautbois traditionnels jusqu’à un large mortier en pierre. Les grains sont débarrassés de leurs enveloppes par deux hommes armés de pilons qui les frappent selon un rythme caractéristique, le « son du keşkek ».

Ensuite, les grains sont mis à cuire dans de grands chaudrons en cuivre étamé, sous la surveillance de « maîtres keşkiers » dont le savoir se transmet de génération en génération. Le blé est cuit avec des oignons, des épices et des morceaux de viande « sur l’os ». Le mélange doit être cuit à petit feu et remué en permanence pendant 24 heures. Les hommes se relaient toute la nuit et les membres de la communauté les accompagnent de leurs histoires, chansons, blagues, etc.

Le lendemain à midi, deux jeunes hommes choisis pour leur force écrasent le blé armés d’une sorte de cuillère en bois, pendant que des assistants enlèvent les os avec de longues pinces. Leurs gestes épousent le même rythme que celui utilisé pour battre les grains. Autour d’eux, la foule crie et chante, et les joueurs de hautbois entonnent une mélodie rapide qui ralentit progressivement lorsque le keşkek est prêt. Le keşkek est ensuite distribué à tous les participants, sans oublier ceux, âgés ou handicapés, qui n’ont pas pu se joindre à la fête.

Certains restaurants turcs, par exemple Çiya, proposent du keşkek sur leur menu. Quoiqu’excellent, ce keşkek-là ne possède pas les vertus symboliques de celui qui est préparé dans les villages d’Anatolie ou de la mer Égée. Mais en le dégustant, rien n’empêche de penser que, très indirectement, vous participez un peu à cette gigantesque communion qui célèbre le travail en commun, la solidarité et la fraternité.

2 grains de sel

frenchpeterpan

25 juin 2012

moi c’est pareil chez moi lorsque je prépare des crêpes au nutella
c’est quasi pareil 🙂
bises

les doudes

25 juin 2012

on ne veut pas savoir qui écrase quoi dans cette affaire… et qui souffle dans le hautbois… :-b

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