Rubrique : Accompagnements

Toujours à la recherche d’aliments nouveaux, les Doudes se penchent sur la nouvelle petite graine à la mode, celle qui cherche à supplanter le quinoa dans le cœur des végétariens et autres biobios : l’amarante. Nutritionnellement, une bombe. Culinairement, un AUCI (aliment d’usage culinaire indéfini)…

Vous croyiez avoir tout entendu avec le quinoa-graine-sacrée-des-Incas ? Voici l’amarante-graine-sacrée-des-Aztèques. Décidemment, les marketeurs d’alimentation alternative manquent sérieusement d’imagination lorsqu’ils essaient de nous fourguer leurs petites graines pour canaris… Et la prochaine fois, qui iront-ils exhumer ? Les Étrusques ? L’Empire kushan ? L’Atlantide ?

L’amarante, qui n’est pour rien dans ces délires mercantiles, est une plante qui pousse dans de nombreux endroits du globe. Ses différentes variétés sont cultivées pour leurs feuilles (en Asie et en Grèce), leurs racines (en Chine), mais également pour leurs minuscules graines (en Amérique centrale et du sud, et au Népal).

L’amarante est une plante qui peut atteindre deux mètres de haut et porte des panaches de fleurs, le plus souvent rouges. Elle n’est pas exigeante au niveau du sol et de l’humidité. Cinq cents grammes de semence suffisent pour planter un hectare et produire jusqu’à trois tonnes de graines (un seul panache de fleurs peut en donner un kilogramme !). De quoi titiller les agronomes qui cherchent à rendre les populations nutritionnellement autosuffisantes.

Comme le quinoa, l’amarante est plus proche du soja que du blé. De ce fait, ses graines sont riches en protéines de bonne qualité nutritionnelle et dépourvues de gluten. Elles contiennent également d’importantes quantités de calcium, de manganèse, de fer, de magnésium et d’acides aminés essentiels (en particulier de lysine). La farine obtenue à partir de ces graines était effectivement utilisée par les Aztèques mais aussi par les Mayas et les Incas.

Vous voilà convaincus et vous avez acquis un joli sac de graines d’amarante auprès de votre écomarket préféré. C’est là que les choses se corsent… Qu’en faire ? Foi de Doudes, pas grand chose !!! Les moudre en farine et les incorporer à un pain (moelleux et goût de noisette) ou les faire griller à la poêle, façon pop corn, pour les intégrer à un müsli ou à des barres énergétiques. Les promoteurs de l’amarante conseillent également de les faire bouillir (dans trois fois leur volume d’eau, 45 minutes à feu doux), mais là, comment dire…, on obtient une sorte de porridge gélatineux prompt à rassasier une armée d’Aztèques mais pas franchement ragoûtant. Deux cuillerées à soupe suffisent à se sentir le ventre lourd…

Pauvres soldats aztèques… Avec ça dans le ventre, comment se battre contre los Conquistadores ? L’amarante, cause première de la chute de l’empire aztèque ? Remarquez, les Incas n’ont pas fait mieux avec le quinoa…

Mots-clés :
Rubrique : Accompagnements

Nixtaquoi ? Nixtaqui ? Quand vous aurez fini de glousser, les Doudes vous raconteront comment, depuis des millénaires, les habitants d’Amérique centrale améliorent les qualités nutritionnelles du maïs. Et comment ce maïs-là sert à faire le plat le plus populaire du Mexique, le pozole.

Le maïs est originaire d’Amérique centrale où, depuis au moins trois millénaires, il n’est consommé qu’après une préparation particulière, la nixtamalisation. Les grains sont bouillis pendant quelques dizaines de minutes dans une solution alcaline (de l’eau de chaux ou de l’eau de cendres riches en potasse), puis laissés à tremper dans leur eau de cuisson pendant plusieurs heures. Abondamment lavés, ils sont ensuite séchés (c’est le nixtamal) ou broyés en farine (la masa).

Cette préparation a pour but de rendre le maïs plus facile à moudre en permettant de séparer le grain de sa coque dure. De plus, elle transforme les protéines des grains pour les rendre plus digestibles et plus équilibrées, elle rend la vitamine B3 (niacine) assimilable par l’intestin et elle augmente la durée de conservation du maïs en détruisant les champignons microscopiques dont les toxines peuvent provoquer des cancers du foie. Enfin, les grains ainsi traités s’enrichissent du calcium ou du potassium contenus dans la solution alcaline.

Lorsque les Espagnols rapportèrent le maïs en Europe, ils firent fi de la nixtamalisation car les moulins européens de l’époque étaient plus performants que ceux des Aztèques. Mais ils ignoraient les bénéfices nutritionnels de cette préparation. Pendant des siècles, les paysans européens ont, de ce fait, mangé un maïs appauvri et dépourvu de vitamine B3 digestible, causant de grandes épidémies de pellagre (la carence en niacine). Encore aujourd’hui, la farine de maïs produite ailleurs qu’en Amérique centrale est artificiellement enrichie en niacine.

En Amérique centrale, les grains de maïs nixtamalisés sont vendus sous le nom de nixtamal, de maïs pozolero ou de maïs cacahuazintle. Séchés, ils doivent être bouillis plusieurs heures jusqu’à ce qu’ils s’ouvrent en corolle et soient al dente (il existe également des conserves prêtes à l’emploi). Le nixtamal sert à la préparation de nombreux plats dont le pozole, un ragoût (ou une soupe) qui leur associe des piments verts ou rouges et de la viande de porc. Ce plat précolombien sacré était autrefois préparé avec la viande débitée des victimes de sacrifices religieux humains…

La farine nixtamalisée est utilisée dans la préparation des tortillas de maïs, des tamales (des pâtés fourrés de viande ou de légumes et cuits dans des spathes de maïs) et de l’atole, une boisson épaisse à base de farine, de lait et de sucre, parfumée au chocolat ou à l’anis.

Aux États-Unis, les grains de maïs nixtamalisés prennent le nom d’hominy ou de posole. Ils sont hachés plus ou moins finement pour cuisiner les grits, un accompagnement typique de la cuisine des États du Sud. Les Amérindiens du sud-ouest des États-Unis préparent, eux aussi, un pozole où les grains cuits sont ensuite préparés en ragoût avec de la viande (de porc ou d’agneau), des oignons, des poivrons verts et rouges et de jeunes raquettes de nopal (le figuier de Barbarie local), le tout assaisonné avec de l’ail et de l’origan.

Si vous voulez cuisiner un bon pozole, on trouve du nixtamal (souvent appelé « masa ») dans les épiceries centraméricaines (par exemple, à Paris : Mexi&Co, 10 rue Dante, 75005).

Mots-clés :