Certains aliments tracent une ligne mystérieuse et infranchissable entre ceux qui les adorent et ceux qui préfèreraient repartir le ventre vide plutôt que les consommer. Les feuilles de coriandre fraîche font partie de ces aliments qui révulsent une minorité de gastronomes. Mais pourquoi tant de haine ? Les Doudes sont parties enquêter.
La coriandre (Coriandrum sativum, parfois appelée « persil arabe ») est une plante originaire du Proche-Orient. Elle est consommée sous forme de graines (habituellement bien tolérées) ou sous la forme de feuilles fraîches au parfum prononcé. Les détracteurs de la coriandre fraîche (qui ont leur groupe sur Facebook et qui vénèrent Julia Childs, grande pourfendeuse de coriandre devant le Grand Cuisinier Éternel) comparent ses saveurs à deux éléments peu compatibles avec la cuisine : le savon et… les punaises, ces insectes qui, agressés, émettent une substance à l’odeur épouvantable.
Dans leurs critiques, les anti-coriandre n’ont pas tort : la saveur particulière de la coriandre fraîche est due à une famille de substances, les aldéhydes, qui se retrouvent dans les savons et dans les sécrétions des punaises. Les aldéhydes sont également à l’origine de l’odeur musquée des melons cantaloup trop mûrs (« Pouah, il a le goût de la punaise ! » s’écrie chaque été la mère d’une des Doudes qui, chaque fois, se demande à quel moment de sa vie sa mère a bien pu manger des punaises…). Mais pourquoi certains d’entre nous sont-ils réfractaires à ces aldéhydes ?
On soupçonne deux origines à ce rejet violent. Une cause génétique qui serait associée à une plus grande sensibilité à ce type de substances (au détriment des autres saveurs de la coriandre fraîche) et une cause liée à l’expérience. En effet, lorsque nous faisons l’expérience d’une saveur nouvelle, notre cerveau cherche immédiatement à la comparer à des saveurs déjà connues. Ceux dont l’alimentation habituelle ne contient pas de coriandre fraîche vont associer le parfum des aldéhydes à d’autres souvenirs, savonneux ou punaiseux !
Que faire lorsqu’on fait partie des anti-coriandre et que l’on voyage dans un pays où cette plante est largement utilisée (le Portugal, l’Asie du Sud-est, l’Amérique du Sud, par exemple) ? Eh bien, une seule solution : déconditionner le cerveau et lui apprendre à associer les aldéhydes à des nourritures agréables. Pour cela, il suffit de hacher menu la coriandre fraîche et de la laisser reposer. Les enzymes contenues dans les cellules vont lentement digérer les aldéhydes et la coriandre, devenue douce comme une feuille de basilic, deviendra plus acceptable. Petit à petit, il suffira de réduire le temps de digestion enzymatique pour éduquer progressivement le cerveau à accepter la saveur forte et riche des feuilles de coriandre dans une açorda lisboète ou une salade de halloumi grillé.