Avez-vous déjà mangé une balle de golf ? C’est ce qui pourrait vous arriver si vous voyagez dans les pays turcophones, de la Turquie au XinJiang chinois. Dans ces pays, au bord des routes ou sur les marchés, on trouve une grande variété de petites boules de fromage séché, le kurut.
Les boules de kurut (du turc « kuru », sec) sont l’invention géniale de peuples nomades : un fromage imputrescible, facile à transporter et consommable en petite quantité sans nuire à la conservation du reste. Par ce moyen, la surproduction de lait à la belle saison permet de faire des réserves de protéines pour l’hiver.
Pour faire du kurut, il faut d’abord du lait : de mouton, de chèvre, de yak, de vache, peu importe. Ce lait est transformé en yogourt (après ou sans écrémage). Le yogourt est ensuite salé et mis à égoutter dans des sacs de toile ou de peau de chèvre (comme le tulum). Il se transforme petit à petit en une pâte épaisse, la suzma. Ce yaourt concentré et salé peut être consommé tel quel ou être roulé en boules de la taille d’une balle de golf mises à sécher au soleil pendant plusieurs semaines.
Les boules de kurut sont dures et très salées. Elles sont soit grignotées telles quelles avec de la bière (beaucoup de bière pour faire passer le sel !), soit diluées dans de l’eau pour servir de crème dans une recette. Au Tadjikistan, le kurut dilué dans l’eau assaisonne l’un des plats nationaux, le kurutob (ob, c’est l’eau en tadjik) : une salade servie sur un fond de pâte feuilletée (fatir). Au Kirghizstan, une boisson d’été, le tchalap, se fait en diluant du kurut dans de l’eau, parfois de l’eau gazeuse.
Le kurut était idéal pour les caravanes amenées à traverser des déserts : leur haute teneur en sel permettait aux voyageurs de préserver leur hydratation (comme les pastilles de sel utilisées aujourd’hui lors de raids). Il existe diverses sortes de kurut (également appelé keş, sürk, kurt, qort ou aaruul) selon les pays : en boules, en baguettes, en « miettes », etc. Les boules de kurut peuvent également être parfumées avec des herbes, des fruits secs, etc.
Et c’est de là que vient l’expression « casser la kurut »…
(je sais, je sais, mais rire toute seule c’est moins bien)