Rubrique : Fromages

Le kichk ? Mais kichke c’est ? Pour faire court, le kichk, c’est à la fois un aliment complet et le parmesan des montagnes libanaises : une préparation à base de blé et de yaourt qui se conserve longtemps et qui possède de solides valeurs nutritives ainsi qu’un parfum très particulier qui réveille les plats et les papilles.

Dans l’ensemble du Proche et du Moyen-Orient, il existe une tradition de fermentation d’un mélange de céréales et de produits laitiers pour obtenir un produit, humide ou sec selon les pays, qui sert à la fois à nourrir et à parfumer. Le nom de cette préparation varie selon les régions : kishk, keshk, keshek, kechek, kashk, voire tarhana en Turquie ou trahana en Grèce. En Iran, le kashk est utilisé sous forme de pâte ou de poudre à reconstituer dans de l’eau. Dans les autres pays, il s’agit plutôt d’une poudre.

La préparation du kichk est une tradition de la fin de l’été dans les montagnes libanaises. Du bulgur grossier (khichin) est lavé et bouilli dans de l’eau. Ensuite, il est pétri avec du yaourt épais (laban) et du lait de vache, de chèvre ou de brebis salé. Le mélange est mis à fermenter pendant une semaine à dix jours selon la température ambiante, en le pétrissant chaque jour pour assurer une fermentation homogène. Ensuite, il est mis à sécher au soleil. Selon les régions, il peut être alors retravaillé avec de l’eau ou du lait, puis remis à sécher. Enfin, il est moulu et tamisé pour obtenir une poudre sèche et acide, ce qui permet une longue conservation malgré la présence de protéines.

Riche en glucides et en protéines, mais aussi en fibres solubles et en calcium, le kichk est une bénédiction nutritionnelle pendant l’hiver. Il fait partie de nombreuses recettes rurales qui tiennent bien au corps, soupes et ragoûts, mais il est également utilisé pour relever des salades ou des manaich, les pizzettes libanaises. Les Doudes soupçonnent le kichk d’être bourré d’acides aminés responsables de la sensation d’umami, comme le parmesan, la pâte d’anchois ou la sauce soja. On trouve assez facilement le kichk dans la plupart des épiceries libanaises (comme ici).

Salade de kichk

  • ½ bouquet de pourpier ou, à défaut, de mâche
  • autant de roquette que de pourpier
  • quelques feuilles de menthe fraîche
  • 1 oignon blanc ou rouge
  • 1 tomate
  • 3 cuillerées à soupe bombées de kichk
  • huile d’olive, sel

Lavez, séchez et effeuillez les herbes. Taillez l’oignon et la tomate en lamelles fines. Mélangez avec les herbes. Saupoudrez de kichk et de sel. Assaisonnez avec l’huile d’olive.

(Cette recette est issue d’un excellent ouvrage « La cuisine libanaise du terroir » de Chérine Yazbeck.)

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Rubrique : Fromages

Vous pensez que la France est le pays des fromages qui puent ? Révisez votre jugement et découvrez le schabziger, la boule puante des fromages faisandés made in Switzerland. Cette spécialité ancestrale pourrait justifier l’invasion de la Suisse alémanique pour nous avoir dissimulé une arme de destruction massive…

Dans le centre-est de la Suisse, il y a le canton de Glaris (Glarus en Schwiizertüütsch). Et dans la ville de Glaris, il y a la société Geska AG qui fabrique un fromage mythique, le schabziger. Présenté sous la forme d’un élégant cône vert amande, le schabziger est préparé à partir de lait de vache écrémé, chauffé et additionné de ferment lactique acide. Une fois égoutté, le fromage obtenu (le sérac) est mûri de un à trois mois, malaxé, salé et placé en silos pour trois à huit mois.

Ensuite, et c’est là le secret du schabziger, on y ajoute de la trigonelle bleue séchée (Trigonella caerulae ou Ziger-Klee), une sorte de mélilot rapportée du Moyen-Orient par les Croisés et populaire au Moyen-Âge pour parfumer les plats. Cette plante va lui donner son joli teint vert pâle et sa saveur fatale. Car, même selon son fabricant, le schabziger divise le monde en ceux qui aiment (dans le canton de Glaris) et les autres…

Tout juste sorti du réfrigérateur, le schabziger dégage un parfum certes intense mais pas forcément rebutant : une forte odeur de foin fraîchement coupé et de fromage oublié dans un placard depuis le siècle dernier. Un récent article dans la Tribune de Genève faisait référence à des vestiaires après le match, mais cela nous paraît injuste. Sauf si toute l’équipe souffrait de mycose des pieds.

Mais là où le schabziger déploie toute sa puissance, c’est dans la cuisine. Il s’utilise râpé, probablement pour ne pas dépasser la dose mortelle, comme pour la muscade ou la fève tonka. Il existe même un moulin spécialement dessiné pour lui, sans nul doute en kryptonite. Le schabziger est donc plutôt un condiment, employé froid (pour des salades, par exemple) ou chaud (sur des pâtes, des pommes de terre, des soupes, etc.).

Les Doudes l’ont essayé sur des pâtes au beurre, tout simplement. Qui ont tout simplement fini dans la poubelle. Si le schabziger s’enorgueillit d’être resté identique depuis 1463 (où une loi en a fixé les caractéristiques), les Doudes soupçonnent que cette incroyable constance résulte plutôt du fait que tous les schabziger vendus depuis ont été fabriqués cette année-là… En tout cas, son goût en témoigne qui semble provenir tout droit du Moyen-Âge le plus obscur.

Pour ceux qui en ont assez de la vie, le fabricant a mis en ligne un site entièrement consacré au schabziger où il est possible de commander la bête (nul permis n’est requis) et qui propose de nombreuses recettes. La Suisse, patrie du droit de mourir dans la dignité fromagère…

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Avez-vous déjà mangé une balle de golf ? C’est ce qui pourrait vous arriver si vous voyagez dans les pays turcophones, de la Turquie au XinJiang chinois. Dans ces pays, au bord des routes ou sur les marchés, on trouve une grande variété de petites boules de fromage séché, le kurut.

kurut

Les boules de kurut (du turc « kuru », sec) sont l’invention géniale de peuples nomades : un fromage imputrescible, facile à transporter et consommable en petite quantité sans nuire à la conservation du reste. Par ce moyen, la surproduction de lait à la belle saison permet de faire des réserves de protéines pour l’hiver.

Pour faire du kurut, il faut d’abord du lait : de mouton, de chèvre, de yak, de vache, peu importe. Ce lait est transformé en yogourt (après ou sans écrémage). Le yogourt est ensuite salé et mis à égoutter dans des sacs de toile ou de peau de chèvre (comme le tulum). Il se transforme petit à petit en une pâte épaisse, la suzma. Ce yaourt concentré et salé peut être consommé tel quel ou être roulé en boules de la taille d’une balle de golf mises à sécher au soleil pendant plusieurs semaines.

Les boules de kurut sont dures et très salées. Elles sont soit grignotées telles quelles avec de la bière (beaucoup de bière pour faire passer le sel !), soit diluées dans de l’eau pour servir de crème dans une recette. Au Tadjikistan, le kurut dilué dans l’eau assaisonne l’un des plats nationaux, le kurutob (ob, c’est l’eau en tadjik) : une salade servie sur un fond de pâte feuilletée (fatir). Au Kirghizstan, une boisson d’été, le tchalap, se fait en diluant du kurut dans de l’eau, parfois de l’eau gazeuse.

Le kurut était idéal pour les caravanes amenées à traverser des déserts : leur haute teneur en sel permettait aux voyageurs de préserver leur hydratation (comme les pastilles de sel utilisées aujourd’hui lors de raids). Il existe diverses sortes de kurut (également appelé keş, sürk, kurt, qort ou aaruul) selon les pays : en boules, en baguettes, en « miettes », etc. Les boules de kurut peuvent également être parfumées avec des herbes, des fruits secs, etc.

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Le Tulum d’Erzincan (Erzincan tulum peyniri) est un des fromages les plus consommés en Turquie. Spécialité de l’est de l’Anatolie à base de lait de brebis, il est traditionnellement mûri dans des outres en peau de chèvre (« tulum »).

tulum

Depuis des siècles, dans la région d’Erzincan et d’Erzurum, une tribu nomade kurde, les Savaklar, utilise un procédé particulier pour faire le fromage. Ils remplissent des peaux de chèvre cousues avec du caillé de lait de brebis, et laissent mûrir ce fromage plusieurs mois dans des grottes fraîches. Les fromages de la famille des tulums sont très populaires en Turquie aujourd’hui, en particulier celui d’Erzincan (prononcez « Erzinndjann») qui est le plus facile à trouver (même dans les épiceries turques de nos pays).

La fabrication du tulum n’a guère changé malgré l’industrialisation du processus. Le lait de brebis (parfois additionné de lait de chèvre ou de bufflonne) est caillé avec de la présure, coupé en petits cubes, puis placé dans des sacs en coton empilés et régulièrement retournés. Après 24 h, le caillé est brisé à la main pour obtenir de gros grumeaux qui sont salés, pétris et remis dans les sacs de coton empilés. Après dix jours, le caillé, parfois additionné de yaourt, est fourré dans les peaux de chèvre. Parfois, celles-ci sont remplacées par de petits bidons en plastique au fond percé de trous, mais le fromage obtenu est moins parfumé.

Entreposé dans des chambres froides, le tulum mûrit pendant au moins six mois, parfois une année entière. L’excès d’humidité s’évapore lentement par les pores des peaux (ou par les trous au fond du bidon). Le fromage est alors conditionné pour la vente dans des boîtes de conserve, des sortes de saucissons emballés de plastique ou des boîtes en plastique. Le tulum d’Erzincan est le seul fromage turc à bénéficier d’une AOP (Appellation d’origine protégée, un label de qualité européen).

Le tulum est un fromage blanc-crème, très friable et qui fond dans la bouche. Corsé et salé, il est plutôt utilisé comme condiment, par exemple effrité sur une salade de pastèque.

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