Rubrique : Istanbul

À Istanbul, la recherche du meilleur restaurant de poisson relève du sport national. Un sport réservé aux plus nantis, ces restaurants étant souvent assez chers. Dès lors, comment résister à un restaurant de poisson qui est à la fois excellent et pas cher ? À deux pas de la tour de Galata, le tout petit Fürreyya Balıkcısı possède ces deux qualités.

Istanbul est une ville de poisson(s). Qu’ils soient de la mer Noire ou de la mer de Marmara (plus rarement de la Méditerranée, les Stambouliotes leur trouvant moins de goût, un peu comme des Bretons visitant le Midi…), les poissons rythment la vie de la cité. Les Doudes imaginent même y lancer un calendrier « Les Dieux du Bosphore » où chaque mois serait illustré par les espèces à manger en priorité ce mois-là : anchois (hamsi) en décembre-janvier, turbot (kalkan) en mars-avril, bar (levrek) en avril-mai, sardines (sardalya) en août-septembre, rouget (barbunya) en octobre-novembre, etc.

Outre sa qualité et son prix raisonnable, Fürreyya Balıkcısı a un atout en plus : au-delà des classiques poissons grillés (délicieusement frais), beignets de calamars (extra-tendres) ou soupe de poisson (proche des « chowders » américains), ce restaurant propose des plats originaux et savoureux : par exemple, le dürüm de poisson (pensez « fajita » croustillante) parfumé d’oignons caramélisés et de roquette ; ou les filets de daurade enroulés dans des feuilles de vigne et sautés (une tuerie) ; ou les köfte de poisson (des mini-hamburgers de poisson parfumés à la tomate et aux poivrons, légèrement fumés) ; ou la salade de morue frite ; ou, plus rarement, les mantı de poisson (des micro-tortellini).

Bref, chez Fürreyya Balıkcısı, on se pourlèche les babines dans une ambiance sympa, assez éloignée du traditionnel restaurant de poisson stambouliote, soit trop « je m’la pète », soit trop « dans son jus années 60 – néons blanchâtres – clientèle d’époque »… On peut accompagner son repas d’une salade mélangée et l’arroser de şalgam qui met en valeur le goût du poisson.

Si vous passez par Galata et si vous avez envie de poisson, prévoyez de dîner un peu tôt. Fürreyya Balıkcısı, même s’il s’est récemment agrandi, reste minuscule et les places sont chères. Au pire, vous pourrez toujours commander un dürüm à emporter et le manger en regardant la tour de Galata. Et après, posez vos fesses au Ceneviz Café, juste sous la tour, pour un verre de thé dans un joli petit amphithéâtre en plein air.

Environ 15 € par personne, tout compris.
Ouvert tous les jours de 11h à minuit, fermé le dimanche en été.

Serdar-i Ekrem Sokak 2, Beyoğlu, Istanbul
+90 212 252 4853

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Rubrique : Istanbul

À un jet de pierre de la maison des Doudes à Istanbul, à la limite de Cihangir et de Çukurcuma, un nouveau restaurant vient d’ouvrir dans ce qui était jusque-là la petite boulangerie historique du quartier. Un nouveau concept qui fait écho à l’histoire du lieu et qui se révèle être le énième avatar d’une cuisinière de génie.

Au départ, il y a une dingue de cuisine créative, Dilara Erbay, connue comme la louve blanche parmi les afficionados de la cuisine stambouliote. Après avoir tenu un restaurant dans la rue des Français, Erbay Hanım a apporté sa touche au restaurant Cezahir (qui ne semble pas s’être remis de son départ), puis connu son heure de gloire dans un vaste établissement au bord du Bosphore (Abracadabra, qu’il repose en paix).

Il y a quelques mois, après avoir débauché un maître-fournier d’Antakya, elle a mis le cap sur la microscopique boulangerie de notre quartier pour en faire Datlı Maya, un restaurant où tous les plats chauds/cuits sortent d’un four chauffé au bois. Pas d’autre moyen de cuisson, c’est le défi que s’est lancé Dilara.

Le lieu est unique. Pour atteindre la petite salle à manger (20 places en se serrant beaucoup), il faut traverser la boulangerie (en admirant le four historique et les mosaïques récentes), monter un escalier tortueux et bas de plafond, traverser la cuisine « froide », remonter trois marches et enfin poser ses fesses en faisant attention à ne rien renverser. Au coin de la pièce, un gros samovar est là pour vous abreuver de thé.

Chez Datlı Maya, vous pouvez déguster de délicieux pide et lahmacun, des soupes, des ragouts de légumes cuits dans des plats de grès (güveç), des dürüm (le « wrap » turc), des salades et d’autres créations selon le marché du jour et les fantaisies de la patronne ou de l’équipe. Un soir, le compte facebook de Datlı Maya nous a informés de l’imminente sortie du four d’un biriyani de poulpe (un riz indien cuit à l’étouffée). Nous avons accouru à l’heure dite et ne l’avons pas regretté. Datlı Maya propose également toutes sortes de gâteaux : cheesecakes, carrot cake, fondant au chocolat, cookies… et divers produits de boulangerie : simits, pains, etc.

Le mode d’emploi de Datlı Maya est simple : avant de monter à la salle à manger, jetez un œil sur ce qui sort du four, posez des questions, commandez ce qui vous tente… Quelques instants après, votre repas arrive sur une grande pelle en bois de boulanger. C’est frais, c’est délicieux, c’est original. C’est de la cuisine traditionnelle à son meilleur.

Si vous passez par Istanbul, ne ratez pas Datlı Maya avant que Dilara Erbay, la chef nomade, ne décide d’aller poser ses ustensiles ailleurs. Ses aventures en restauration sont autant de moments éphémères où l’ennui n’a pas le temps de ternir sa créativité et son amour des ingrédients de qualité.

Compter 15 € par personne tout compris.
Ouvert tous les jours de 8h à minuit – Livraison à domicile

Türkgücü Caddesi 59/A – Cihangir – Istanbul, Turquie (derrière la mosquée Firuz Ağa)
Tél. : +90 212 292 90 56/57
datlimaya.com

 

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Rubrique : Istanbul

Le Nord-Est de la Turquie, coincé entre Mer Noire, montagnes et Géorgie, est une terre de gastronomie passionnante. Les produits locaux, plus proches de ceux de la Bretagne que de ceux de la Méditerranée, inspirent une cuisine unique, enracinée dans une culture ancienne. Pour la découvrir, direction Hayvore, à nos yeux son meilleur ambassadeur à Istanbul.

Même si la plupart de nos lecteurs sont bien loin d’Istanbul, nous aimons les faire saliver à distance en partageant les joies gustatives de nos cantines d’amour. Pour fêter les trois ans du Festin (mais oui, trois ans déjà…), nous vous emmenons chez Hayvore, un restaurant spécialisé dans la cuisine du Nord-Est de la Turquie, le pays des Laz, descendants des Grecs de la Colchide et du Pont. La cuisine de cette région, également pays des Amazones et de la Toison d’or, est connue pour son particularisme et pour son usage illimité des anchois frais, du maïs et des noisettes.

Hayvore est la nouvelle maison d’un certain Hızır, déjà connu pour un autre restaurant négromarin qu’il a quitté en emportant les meilleurs éléments de l’équipe. Cette nouvelle adresse, pimpante, est décorée d’images grand format de paysages du Nord-Est. Le vert règne en maître : vert des arbres, des prairies, des rivières. Une grande bouffée de verdure sous l’œil perçant d’un épervier, oiseau emblématique de la région.

Chez Hayvore, les Doudes ont trois plats favoris qui leur font pousser des « Mmmm… » et des « Oh p****ng ! » de plaisir. Le premier, le plus spectaculaire, est le hamsi pilav, un riz aux herbes, pignons et baies d’épine-vinette cuit dans une croûte d’anchois grillés. Oui, vous avez bien lu. Des anchois frais qui enveloppent une portion de riz moelleux et parfumé et qui, passés au four, croquent sous la dent. Surprenant et puissamment addictif.

Notre second plat favori est celui pour lequel Hayvore est de plus en plus connu : des haricots blancs cuits à la tomate (kuru fasulye). Ce plat turc traditionnel tout simple est ici devenu un monument. Les haricots, cuits pendant des heures, fondent dans la bouche comme s’ils n’avaient pas de peau. Un miracle culinaire : la transformation du solide en crémeux sous la seule pression de la langue. Soudain, on comprend pourquoi les Turcs sont raides dingues de haricots et n’hésitent pas à traverser la ville pour en déguster.

Enfin, notre troisième plat favori est un dessert typique de la cuisine laz. Le laz böreği est l’enfant naturel d’un baklava et d’un millefeuille à la crème parfumé aux noisettes. Malgré les œufs et le sirop de sucre, c’est une merveille de fraîcheur qui ne demande qu’à être savouré encore et encore et encore…

Les plaisirs d’Hayvore vont au-delà de nos trois plats fétiches : soupe et ragoût de blettes, pois chiches à la tomate, köfte, aubergines farcies et, au fond du restaurant, un four à pide, ces pizzas en forme de bateau typique de la Mer Noire. Un pain de maïs très évocateur du cornbread du sud des États-Unis accompagne le repas. En dessert, du gâteau aux noix, du potiron cuit au sucre, des baklavas…

Pour trouver Hayvore, c’est facile. En remontant Istiklal, il faut tourner à droite dans la rue qui va vers le hammam de Galatasaray. C’est tout de suite sur la droite. Hayvore est ouvert tous les jours. Comptez 10-12 € par personne.

Turnacibasi Sokak 4, Beyoğlu, Istanbul
+90 212 245 7501

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Rubrique : Istanbul

Sûr, ça leur fend le cœur de savoir qu’après cet article, il leur sera encore plus difficile de trouver de la place pour y manger… Mais les Doudes ont bon cœur et sont prêts à tout partager, même leurs meilleures adresses. Voici Çiya Sofrası, un monument, un jardin du paradis, un conservatoire des traditions culinaires anatoliennes, un havre de goûts au bord du Bosphore.

À l’origine des Çiya (la montagne, en kurde), il y a un gamin qui a grandi dans une famille de boulangers et de restaurateurs du côté de Gaziantep, au sud-est de l’Anatolie. Musa Dağdeviren, ce gamin devenu adulte, est probablement le meilleur spécialiste de la cuisine populaire anatolienne, en particulier celle des plus démunis, de ceux qui doivent se passer de viande et se nourrir avec leur propre production et des aliments glanés ici ou là : racines, champignons, herbes, etc.

Ce savoir collecté tout au long de sa vie, Musa Dağdeviren le met en scène dans une belle revue (« Yemek ve Kültür », Nourriture et Culture) et dans ses trois restaurants, en particulier Çiya Sofrası (les deux Çiya Kebap sont davantage tournés vers les kébabs). Depuis 1988, chez Çiya Sofrası, pas de menu mais deux comptoirs (l’un pour les salades et autres entrées, l’autre pour les plats chauds). On regarde, on salive, on choisit, on paie au poids. De nombreux plats végétariens reflètent le savoir accumulé par des générations habituées à devoir se passer de viande.

Chaque jour, une cinquantaine de plats sortent des cuisines, variant selon la saison et les ingrédients trouvés par le propriétaire (qui est particulièrement exigeant dans ce domaine). Des classiques comme le perde pilav (du riz au poulet et aux fruits secs, cuit en aumônière dans un moule), les feuilles de vigne farcies aux griottes ou au fromage lor, ou les fricassées d’herbes, de légumes et de çağla (divers fruits à noyaux récoltés encore verts). Des recettes inhabituelles comme le galye (un ragoût d’agneau aux coings, abricots et châtaignes), le keledos, une purée grossière de pois chiches, blé et haricots secs servie avec une sauce épicée, ou le pazı borani, un ragoût de blettes, pois chiches et haricots secs servi avec du yaourt. Plus rarement paraît-il, mais nous n’avons pas eu la chance d’y goûter, Çiya sert du yeni dunya (des nèfles du Japon farcies à la viande !) ou des champignons keme grillés (une sorte de grosse truffe).

Chez Çiya Sofrası, les salades sont délicieuses, souvent préparées avec les herbes des montagnes (de la mauve, de la mélisse, etc.). Parmi les desserts, mention spéciale pour les yaprak sarma aux pistaches et, difficile à dénicher si loin du Liban ou de la Syrie, les karabij, de petits maamouls à la pistache (kerebiç, en turc) servis avec une mousse sucrée, natef en arabe, préparée avec de la racine de saponaire (Saponaria officinalis) qui rappelle le nishalla. En Turquie, on appelle ça « köpük helvası », le dessert d’écume (merci Ayset !). Vous pourrez également y goûter des « fruits » confits inhabituels : tomates, olives et noix vertes, aubergines, etc. Divers jus sucrés (şerbet) peuvent accompagner le repas selon les saisons : mûre, datte, prune, etc. Et les plus chanceux se verront proposer une petite tasse de kaynar, une infusion d’épices sucrée saupoudrée de noix hâchées.

Pour trouver Çiya Sofrası, il faut prendre le bateau jusqu’à Kadıköy sur la rive asiatique et se faufiler dans les ruelles du marché jusqu’à la rue du Jardin ensoleillé… Les trois Çiya se font face.

Caferağa Mah., Güneşlibahçe Sokak 43, Kadıköy
+ 90 216 330 3190
ciya.com.tr

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Rubrique : Istanbul, Viandes

Dans le monde infini des boulettes, les Turcs se défendent très bien. Les köfte, puisque c’est ainsi qu’elles s’appellent ici, sont sur la plupart des menus de restaurant. Il en existe de très nombreuses variétés, le plus souvent servies avec une salade. Les Doudes vous emmènent chez leur boulettologue local.

Köfte, köfte, köfte, un mot magique qui flotte sur les lèvres des Turcs dès qu’on parle de manger. Comme ailleurs, la boulette prend, en Turquie, de très nombreux visages : çiğ köfte de viande crue épicée (ne craignez pas l’intoxication, rien ne résisterait à leur concentration en piment) ou de lentilles écrasées (pour les végétariens), Izmir usulü köfte d’agneau et de tomates, etc.

Comme toujours en Turquie, les meilleures köfte se dégustent dans les restaurants qui en font leur spécialité, les köfteci. Les Doudes ont la chance d’avoir l’un des meilleurs köfteci d’Istanbul en bas de leur nid. Chez Çukurcuma Köftecisi, une affaire de famille, on mange habituellement des izgara köfte de viande et d’herbes, grillées et moelleuses à souhait. Les antiquaires qui peuplent le quartier de Çukurcuma y ont leurs habitudes pour déjeuner.

Le samedi, d’autres köfte apparaissent sur le menu, les kadınbudu köfte (boulettes cuisses de dame, on vous en donne la recette ci-dessous), mais aussi des mücver (prononcez « mudjver »), de petites galettes frites de courgettes (kabak) ou de carottes (havuç). Tout ça est servi avec une sauce yaourt-tomate, une salade, du riz pilav et, hum, une salade de macaronis… Tout ça pour trois roupies (moins de 10 € par personne, boissons comprises).

Pour les köfte-addicts, il existe également une excellente adresse dans une rue parallèle à la grande rue de Pera (Istiklal Caddesi). Chez Köfteci Hüseyin, on ne mange QUE des boulettes. Son fondateur a commencé dans la rue, avec un petit grill à roulettes et, le succès aidant, a ouvert ce restaurant. Les köfte y sont accompagnées de piyaz, une salade de gros haricots blancs et d’oignons servie glacée, leur accompagnement typique (avec du pain, de la sauce piquante et des quartiers de citron). Attention, Köfteci Hüseyin n’est ouvert que pour le déjeuner et leur stock quotidien de köfte est vite épuisé…

Sinon, pour ceux qui vont visiter Sainte-Sophie ou le Palais de Topkapı, on trouve de bonnes köfte chez Tarihi Sultanahmet Köftecisi – Selim Usta, juste en face.

Kadınbudu köfte

  • 400 de viande hachée (bœuf, agneau, veau)
  • 2 œufs
  • 2 cuillerées à soupe de farine
  • 30 g de riz à risotto bouilli ¼ h
  • 2 oignons hachés fin
  • 1 bouquet de persil ciselé
  • 1 cuillerée à soupe d’huile
  • Huile de friture, sel, poivre

Faites revenir l’oignon et la moitié de la viande à feu moyen jusqu’à ce que le jus de la viande s’évapore. Laissez refroidir. Mélangez la viande cuite, la viande crue, un œuf battu, le riz cuit et le persil. Salez et poivrez.
Façonnez les boulettes : l’équivalent d’un œuf du mélange roulé entre les mains et légèrement aplati en disque ovale (oui, pas vraiment une jolie cuisse de dame, mais c’est comme ça…). Faites chauffer un demi-litre d’huile de friture dans une poêle à bord haut. Mettez la farine dans une assiette creuse et l’autre œuf battu dans une autre assiette creuse. Avant de faire cuire les köfte, passez-les dans la farine, puis dans l’œuf. Faites-les dorer une à deux minutes de chaque côté. Laissez-les égoutter sur du papier absorbant. Servez chaud ou tiède avec une salade.

Çukurcuma Köftecisi
Hacıoğlu Sokak 1/A
Çukurcuma – Istanbul
+90 212 245 08 33
9h – 19h

Köfteci Hüseyin
Kurabiye Sokak 11
Beyoğlu – Istanbul

+90 212 243 7637

Tarihi Sultanahmet Köftecisi
Divanyolu Caddesi 12
Sultanahmet – Istanbul
+ 90 212 520 05 66
www.sultanahmetkoftesi.com

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Rubrique : Istanbul, Istanbul

Aujourd’hui, les Doudes vous proposent une étude comparative de la plus haute tenue entre deux spécialités turques pizzoïdes. À ma gauche, le lahmacun, poids plume et croustillant. À ma droite, la pide, coussin moelleux fortement chargé en lipides. La Mer Blanche contre la Mer Noire. Goooonnnng ! C’est parti…

De très nombreux pays ont leur version locale de la pizza, sur le principe de la galette de pâte recouverte de garniture salée et cuite au four. En Turquie, deux spécialités de ce type se tirent la bourre.

Originaire de la Méditerranée (la Mer Blanche en turc), présent en Turquie, en Arménie, en Syrie, au Liban et à Chypre (qui en revendique la paternité), le lahmacun (prononcez « lahmadjoun ») est une fine galette croustillante saupoudrée d’un hachis de viande d’agneau, oignon, ail, tomate, poivron, piment et persil. De la taille d’une petite crêpe, il se mange à plat ou enroulé autour de feuilles de salade et de menthe ou de basilic, relevé d’une giclée de jus de citron.

La pide (prononcez « pidé ») est typique des régions côtières de la Mer Noire. Préparée à partir d’une pâte à pain, elle est servie sous la forme d’une galette ronde, d’un chausson calzonesque (appelé kapalı pide) ou, plus maritime, d’une barque (les Marseillais diraient « d’une navette »). Cette pâte épaisse est garnie de tomates, d’oignons et d’herbes hachés, de fromage de la Mer Noire, d’un choix de viande (saucisse sucuk, bœuf braisé – kavurma, ou bœuf pressé/séché – pastırma) et, si vous le souhaitez, d’un œuf. Sitôt sortie du four, la pide est badigeonnée de beurre fondu pour un fini brillant et tronçonnée.

Mis en compétition, lahmacun et pide se révèlent des adversaires trop inégaux. Le lahmacun est un petit snack léger à manger entre les repas, sur le pouce. La pide est une version hypercalorique de la pizza et convient bien aux grosses faims. Plat du Sud, plat du Nord. Le premier donne irrésistiblement envie d’en prendre un autre. La deuxième donne irrésistiblement envie de… dormir.

Pour déguster ces spécialités au cours d’un séjour stambouliote, les Doudes vous conseillent deux adresses universellement appréciées par les autochtones, à deux pas de la place Taksim pour les pide, ou dans le charmant village d’Arnavutköy, le long du Bosphore, pour les lahmacun.

Şimşek Pide
Taksim Caddesi 2/A – Beyoğlu – Istanbul
+90 212 249 4642
7h – 22h

Fıstık Kebap ve Lahmacun Salonu
1. Caddesi 40 – Arnavutköy – Istanbul
+90 212 263 5884
11h – 23h30

 

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Rubrique : Istanbul

Il fut un temps où Beyoğlu, le quartier dit « européen » d’Istanbul, hébergeait une large population de Grecs, d’Arméniens et de Juifs sépharades. Aujourd’hui, les restaurants qui servaient les spécialités de ces cultures ont tous peu ou prou disparu. Et pourtant, dans une ruelle calme…

Le topik, vous connaissez ? Topik, ça signifie « boulette » en arménien. Les Arméniens d’Istanbul ont une recette fétiche, une recette qui a inspiré leurs poètes, le topik. Cette (grosse) boulette est préparée à partir d’une pâte de pois chiches, pommes de terre et tahini (la purée de sésame), farcie d’oignons sautés au cumin. Le tout est décoré de pignons de pin et saupoudré de cannelle. Manger du topik à Istanbul aujourd’hui, à moins de connaître une famille arménienne, est devenu un peu compliqué… sauf vous allez chez Mekan.

Mekan, un restaurant dans une ruelle donnant sur Istiklal Caddesi, les Champs-Élysées stambouliotes, est l’un des derniers lieux où goûter les recettes des anciennes minorités locales. Outre le topik, vous pourrez y déguster du patlıcan börek, le feuilleté à la purée d’aubergines fumées et au fromage, un incontournable de la Pâque juive à Istanbul.

Chez Mekan, il y a également d’excellentes spécialités turques, comme le foie frit aux griottes, parfumé à l’origan et au poivron séché, ou l’alinazik kebab, de petits cubes d’agneau sautés sur un lit de purée d’aubergines fumées, une spécialité de Gaziantep, une ville du sud de la Turquie proche de la frontière syrienne. Et des içli köfte, la version turque des kibbeh libanaises, les boulettes de boulgour croustillantes farcies de viande hachée épicée.

Mekan est également connu pour ses meze (les tapas orientales) et constitue une sorte d’exception dans le paysage culinaire d’Istanbul : un endroit où manger des meze ailleurs que dans le bruit et la fureur ! En effet, les meyhane stambouliotes, là où l’on mange des meze en buvant du rakı, sont souvent des gargotes bondées (ce qui peut être leur charme quand on est d’humeur) situées dans des rues bruyantes entièrement peuplées de ce type d’établissement. Mekan, c’est la meyhane calme et sereine, presque chic, où viennent les personnes qui n’ont plus l’âge ou le goût d’aller affronter les foules éméchées.

Compter 20 € par personne avec les boissons.
Ouvert de midi à 1h.

Eski Çiçekçi Sokak 3 – Beyoğlu – Istanbul
+ 90 212 252 6052

www.mekanrestaurant.com

 

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Rubrique : Fruits & dérivés, Istanbul

Parmi les fruits injustement négligés en France, le coing figure en bonne place. Au Moyen-Orient, le coing est un produit recherché et il est présent tout l’hiver sur les étalages. Parmi leurs multiples recettes de coing, les Turcs ont raffiné l’art de le confire pour en faire un dessert à se damner, l’ayva tatlısı.

Le coing est un fruit qui ne laisse pas faire… Pas comme ces pauvres pommes qui ne demandent qu’à finir en compote. Non non non, le coing est un costaud qui ne révèle ses charmes qu’à ceux qui savent le cuisiner longuement, lui faire cracher ses parfums et l’attendrir avec patience. Dans tout le Moyen-Orient, le coing est cuit à toutes les sauces : en ragoût, en tajine, en compote, farci à la viande et, en particulier en Turquie, confit longuement dans un sirop de sucre.

Cuisson dans un sirop léger, passage au four, puis recuisson dans un sirop plus épais (qui finira en gelée), l’ayva tatlısı (littéralement « dessert de coing », tout simplement) demande du travail. Mais le résultat vaut largement le labeur : des demi-coings parfaits, brillant de leur gelée, d’un rouge brun virant sur l’acajou, à la saveur complexe, fruitée et fleurie à la fois, et tendres comme du beurre.

Si de plus, comme les Turcs, vous les dégustez avec de la crème caillée très épaisse et dépourvue de toute acidité (du kaymak, obtenu en faisant longuement chauffer puis reposer du lait de bufflonne) alors c’est un monde nouveau qui s’ouvre à vos papilles. Soudain, votre patrimoine génétique, programmé depuis des millions d’années pour vous faire rechercher les aliments gras et sucrés, s’apaise et un sentiment de béatitude calorique vous envahit jusqu’au fond du pancréas.

Si vous passez par Istanbul de novembre à avril (la saison des coings) et que vous avez envie de succomber aux charmes de l’ayva tatlısı, une seule adresse : la pâtisserie Sakarya Tatlıcısı à deux pas du lycée Galatasaray, près du marché aux poissons de Beyoğlu. Dans ce paradis des gourmands, de gros coings confits nappés de leur gelée attendent la crème qui les magnifiera. Ce sont les meilleurs que nous ayons goûtés, moelleux à souhait et préparés sans le vilain colorant rouge qui défigure la plupart de leurs concurrents.

Dans cette pâtisserie ouverte depuis plus d’un demi-siècle, ne manquez pas non plus les yaprak dürüm (« rouleaux de feuilles ») : des cigares de pâte phyllo farcis d’un mélange de pistaches hachées et de kaymak, une variété rare de baklava toute en finesse et en fraîcheur qui vous fera couiner de plaisir.

Ouvert tous les jours de 6h à 22h.

Sakarya Tatlıcısı
Dudu Odaları
Sokak 3
Bal
ık Pazarı – Beyoğlu – Istanbul
+90 212 249 2469

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Rubrique : Istanbul

Un restaurant spécialisé dans le petit-déjeuner mais qui les sert jusqu’au soir, c’est une bonne idée, non ? Si, en plus, ce restaurant sélectionne des produits artisanaux venus tout droit des fermes d’Anatolie profonde, comment résister ? Les Doudes vous emmènent découvrir le pantagruélique petit-déjeuner kurde.

Dans les villes kurdes de l’est de l’Anatolie, il existe une tradition de salons de petit-déjeuner (« kahvaltı salonları », comme nous avons nos salons de thé) qui sont ouverts de jour comme de nuit. Oui, chez les Kurdes, le petit-déjeuner est une affaire sérieuse qui peut se passer en soirée… Avec l’exode rural, cette tradition a diffusé vers l’ouest du pays et, en particulier, à Istanbul où les kahvaltı salonları poussent comme des champignons après une pluie d’août. Ces établissements rivalisent entre eux en proposant des produits anatoliens « de la ferme » : fromages, miel, crème fraîche, yaourt, etc.

Pour les Doudes, il n’existe qu’UN kahvaltı salonu stambouliote digne de ce nom : Van Kahvaltı Evi, la Maison du Petit-Déjeuner de (la ville de) Van. Véritable quartier général matinal des Doudes, ce restaurant est tenu par une famille kurde et une petite armée de jeunes serveurs branchouilles que les Doudes ont affublés de surnoms totémiques : la Fouine, le Porc-Épic, etc.

À quoi ressemble un petit-déjeuner de Doudes chez Van Kahvaltı Evi ? Au centre de la table, une assiette variée avec quatre sortes de fromage, dont le très repoussant Van otlu peynir marbré d’herbe de prairie en saumure (pour les agricoles, imaginez du fromage à l’ensilage de ray-grass…), des tomates, des concombres, des olives vertes et noires, des œufs durs, du persil, de la confiture (fraise ou cerise) et un mélange de mélasse de jus de raisin (pekmez) et de pâte de sésame qui a exactement le goût… du beurre de cacahuète !

Autour, une corbeille débordant de toutes sortes de pains, du thé, du jus de fruits frais (un mélange grenade – orange, par exemple) et divers plats selon nos envies : le plus souvent, des œufs brouillés à la saucisse turque, avec ou sans tomates, et des gözlemeler, des sortes de crêpes croustillantes farcies de fromage, d’épinards, de champignons ou d’aubergines.

Mais le summum de cette débauche doudienne, c’est le bal-kaymak : une petite assiette de miel sauvage kurde (bal, avec des fragments de cire, à l’ancienne) et une petite assiette de crème fraîche épaisse et mousseuse comme on ne trouve qu’en Turquie (kaymak). Du pain tout chaud, une couche de miel, une couche de crème (sans la briser, merci) et c’est l’extase anatolienne…

Van Kahvaltı Evi est également connu pour son cacık (« djadjeuk », une salade de yaourt épais au concombre, ail et menthe) et pour son muturğa, une sorte de porridge servi avec des noix. Si vous passez dans le quartier de Cihangir entre 7h et 19h, tous les jours de la semaine, allez vous gaver chez Van Kahvaltı Evi. Foi de Doudes, ce sera l’une de vos plus authentiques expériences culinaires à Istanbul. Attention, les samedis et dimanches matin, queue assurée. En été, on peut déjeuner dehors.

Autour de 10€ par personne.

Defterdar Yokuşu 52/A – Cihangir – Istanbul
+90 212 293 6437

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Rubrique : Istanbul

Peut-être vous demandez-vous pourquoi, ces temps-ci, le Festin prend ses aises et musarde au lieu de livrer ses deux articles hebdomadaires ? Les deux coupables sont un festival de danse contemporaine, iDANS, et une cantine stambouliote, Fıccın, qui accaparent l’œil doudien et laissent en plan la plume doudienne…

Une fois n’est pas coutume, le Festin doit révéler l’état de ses cuisines pour expliquer la lenteur du service. Figurez-vous que l’unité doudienne chargée des images, celle qui vit désormais à Istanbul (« Istanbul, pont entre l’Orient et l’Occident, blablabla… »), est professionnellement au cœur du mælström d’un festival de danse contemporaine, iDANS, qui dure tout au long du mois d’octobre.

Dans son bureau hanté de chats, dans les divers lieux de spectacle ou dans les rades travelotesques des bas-fonds stambouliotes, notre photographe attitré galope pour s’assurer que les artistes irano-norvégiens, libano-français ou turco-kazakhs sont bien accueillis, en quatre langues et demie. Sale temps pour les photos du Festin…

Mais tout aussi artistiques que soient son âme et son emploi du temps, notre héros doit néanmoins se sustenter de nourritures bassement terrestres. Et pour cela, soir après soir, une seule cantine, archiconnue des autochtones : Fıccın, l’un des meilleurs rapports qualité/prix de Beyoğlu, le quartier situé au nord de l’embouchure de la Corne d’Or.

Ce restaurant (en fait, trois succursales dans la même rue) a été ouvert en 1996 par Leyla Karakaynak, une Turque originaire de Circassie. D’où ??? Non, pas du chapiteau des Bouglione, mais de la Circassie, là où l’extrémité ouest de la chaîne du Caucase plonge dans la Mer Noire (aujourd’hui, la république d’Adyguée, nichée au sein du Kraï de Krasnodar, dans la fédération de Russie… ça fait rêver, non ?).

Durant toute le règne de l’Empire ottoman, la Circassie a fourni aux Sultans de très nombreuses épouses, ce qui permettait d’éviter que le trône puisse être revendiqué par d’autres familles turques que celle du Sultan. Outre ses femmes, réputées les plus belles de toute la région, la Circassie a également donné quelques spécialités culinaires à la Turquie. En particulier, le fıccın (prononcez « feudjdjeun »), une grande galette où de la viande hachée parfumée est fourrée entre deux fines couches d’une sorte de génoise salée.

Chez Fıccın, bien sûr, on trouve cette spécialité circassienne mais également une soupe au poulet (Tulen), du poulet à la circassienne (Çerkes tavuk) servi avec une sauce aux noix, ail et paprika, ou des mantı aux pommes de terre qui tiennent plus des pierogi russes ou polonais que des mantı habituellement servis en Turquie. Parfois, Fıccın propose du pourpier cuit à l’huile d’olive avec des tomates, de l’ail et du riz (Zeytinyagli semizotu).

Fıccın est un restaurant extrêmement populaire chez les Istanbullular qui travaillent dans le quartier. Avec des plats oscillant entre 4 et 7 €, une cuisine savoureuse et un accueil chaleureux, Fıccın est une bénédiction pour les locaux comme pour les touristes.

Environ 10 € par personne.
Ouvert tous les jours de 7h à 21h.

Kallavi Sokak 13/1 – 7/1 (sur Istiklal, en face de l’église St Antoine de Padoue) Beyoğlu – Istanbul
+90 (212) 293 37 86

www.ficcin.com
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