Rubrique : Épices, condiments & herbes

Certains produits alimentaires sont emblématiques de la culture culinaire qui les a engendrés et ne sauraient manquer dans les placards des cuisines locales. En Hongrie, le passe-partout alimentaire, c’est le Piros Arany, un concentré de paprika qui illumine les plats les plus divers !

« Qui a du paprika et du sel ne manque de rien. » dit un proverbe hongrois. Depuis le XVIIe siècle, la cuisine hongroise est toute entière sous influence capsaïque (Capsicum annuum, le poivron). Pas de plat typique magyare sans paprika et les cuisinières en distinguent autant de sortes que les Esquimaux de neiges : paprika cerise, paprika tomate, paprika bácskai, paprika vert, paprika jaune, paprika tarinabellacziczi, etc.

Pour continuer à se paprikatiser à la morte saison, les ménagères magyares préparent de la « confiture » de paprika, une sorte de concentré qui se conserve tout l’hiver. Pour les cziczigales qui ont préféré chanter au temps chaud, il existe heureusement depuis 1963 le Piros Arany, littéralement l’Or Rouge, un concentré industriel qui est à la cuisine hongroise ce que l’aubergine est à la cuisine turque : l’alpha et l’oméga. L’Or Rouge, c’est aussi le nom que l’on donne en Hongrie au paprika séché. Chaque année, ce pays en produit 10 000 tonnes dont plus de la moitié sont consommées au niveau national (on estime qu’un Hongrois en ingère environ ½ kg chaque année en moyenne !).

Comme nous le confiaient nos magyarophiles préférés autour d’un repas au Petit Budapest, « quand tu mets du Piros Arany dans un plat, il devient automatiquement hongrois » ! Le Piros Arany, c’est du paprika frais dans un tube. Le concentré de tomates des Méditerranéens. Ça va partout : ragoûts, sauces, pâtes, salades, œufs brouillés et, bien sûr, goulash et poulet au paprika. Il existe deux sortes de Piros Arany : doux (édes) ou épicé (csípös ou erös). Il en existe même une version enrichie d’oignons, de tomates, de cumin et d’épices appelée Gulyáskrém, vraiment pratique.

Les Hongrois ne sont pas les seuls à construire leurs plats sur du concentré de paprika : les Serbes ont l’« ajvar » (souvent enrichie d’ail et d’aubergine) et les Turcs la « tatlı biber salçası ». Quelle que soit la provenance de la pâte de paprika, foi de Doudes, n’hésitez pas à vous en équiper : pour préparer une sauce tomate de la muerte que mata, pour tartiner sur un pljeskavica, pour donner du relief à une daube provençale, ou juste en tartine avec un fond de beurre.

Le Piros Arany et l’ajvar sont disponibles dans les épiceries mitteleuropéennes (par exemple, ici ou chez Ronalba, 58-60 rue du Faubourg Saint-Denis, 75010), la tatlı biber salçası et l’ajvar dans notre épicerie turque préférée.

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Rubrique : Paris

Pour découvrir la cuisine d’un pays, rien de tel que de suivre des amis qui y plongent leurs racines. Les Doudes sont partis explorer la cuisine magyare avec Olivier et Valérie, experts es-gourmandise en général, et en gourmandises hongroises en particulier. Et capables de lire le menu sans trébucher sur les « szt », les « szk » ou les « csk »…

La cuisine hongroise est probablement la cuisine européenne qui concentre le plus grand nombre d’influences. Ce territoire a été si souvent dominé par des cultures voisines que la culture magyare n’a dû sa survie qu’à sa capacité à les absorber, sinon dans sa langue, au moins dans sa cuisine. Les influences slaves, turques, allemandes, autrichiennes, italiennes, mais également françaises, sont venues se greffer sur le vieux fond nomade asiatique.

Pour ceux qui aiment la paléontologie culinaire (identifier les anciennes strates étrangères dans une cuisine locale), la cuisine hongroise est un vrai lunapark. Voici une cuisine symbolisée par le paprika, alors que le poivron y est finalement d’importation assez récente (au XVIIe siècle sous l’influence des Turcs). Mais en creusant un peu, on y trouve des éléments nomades comme les pogácsa (des galettes en Hongrie, des petits pains en Turquie sous le nom de poğaça), les brochettes (chachlick, le même mot qu’en Asie centrale), la multitude de pâtes faites maison (les « galuska »), parfois séchées, ou le principe du ravioli qui rappelle les mantis centrasiatiques.

Or donc, sur la butte Montmartre, se trouve un petit morceau de Hongrie fort sympathique : Au Petit Budapest. Un tout petit restaurant, chaudement décoré de vues de Budapest et de diverses antiquités hongroises. Le menu est très « cuisine familiale » : des crêpes (palacsinta) à la viande, du fromage blanc aux herbes, du poulet au paprika et à la crème (paprikás csirke), des accompagnements de galuska, et un très surprenant plat gitan de foies de volaille au paprika accompagnés d’escargots aux herbes acidulées. En dessert, le retour des palacsinta, cette fois-ci aux griottes (Meggyes palacsinta), au chocolat-chantilly (Gundel palacsinta) ou au fromage blanc (Turos palacsinta).

Pour arroser la cuisine hongroise, les vins ne manquent pas au pays du Tokaji. Nous avons choisi un Sang de taureau (Egri Bikavér) beaucoup plus léger que son homonyme ibérique. Et pour finir le repas, une petite pálinka (eau-de-vie de fruits) de derrière le comptoir… Si vous avez envie de découvrir la cuisine hongroise, n’hésitez pas à réserver car le Petit Budapest est vraiment… petit !

Environ 25 € par personne avec le vin.

96 rue des Martyrs – 75018 Paris
+ 33 1 46 06 10 34

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