Rubrique : Accompagnements

Le sarrasin, vous connaissez ? Oui, celui des crêpes… Mais en avez-vous déjà mangé autrement que réduit en farine ? En Europe de l’Est, les graines de sarrasin grillées sont la base d’un plat populaire, la kasha, aussi central dans la cuisine de ces pays que le riz en Asie. Pour changer du blé ou du bulgur, il est temps de découvrir la kasha.

Le sarrasin (ou blé noir, Fagopyrum esculentum) fait partie des grains consommés par l’homme depuis au moins… huit mille ans ! Originaire de l’Asie du Sud-Est, il est présent en Europe depuis le sixième millénaire avant J.C. Aujourd’hui, le sarrasin est surtout consommé en Europe de l’Est, au Japon, en Corée et en Amérique du Nord où il a été emmené par les émigrants est-européens. Dans ces pays, les graines de sarrasin sont cuisinées entières ou réduites en farine pour faire des crêpes, des blinis, des pâtes (les soba japonaises ou les guksu coréennes, par exemple), etc.

En Russie comme dans les pays de l’Est, le sarrasin grillé est si fréquemment préparé sous forme de kasha (porridge) que le mot « kasha » est devenu synonyme de sarrasin. La kasha est le plat paysan par excellence. Elle est consommée telle quelle, en accompagnement, ou utilisée dans la farce de petits chaussons (les knish) ou de feuilles de chou. La kasha forme une des bases de la cuisine yiddish, en particulier mélangée à des oignons, des farfalles et du jus de poulet rôti : c’est la kasha varnishkas, un plat emblématique de la cuisine juive ashkénase.

Bien préparée, la kasha est un accompagnement délicieux au goût de noisette. Elle ne contient pas de gluten et convient donc aux personnes qui souffrent de maladie cœliaque (allergie au gluten). On trouve de la kasha dans les épiceries juives ou est-européennes (par exemple, Izraël) et sa recette est simplissime.

Kasha

Pour 4 personnes

Faites bouillir deux grands verres d’eau avec une cuillerée à soupe de beurre et du sel. Lavez un grand verre de graines de sarrasin à l’eau chaude et égouttez-les. Mélangez le sarrasin avec un œuf battu et placez le tout dans une casserole. Faites cuire à feu vif trois minutes en remuant sans cesse. Quand l’œuf est sec et les grains séparés, versez doucement l’eau beurrée bouillante et mélangez. Couvrez et faites cuire à feu doux sans remuer, dix minutes environ (jusqu’à ce que l’eau soit absorbée et la kasha tendre). Cessez la cuisson, mais laissez reposer dix minutes au chaud (sous une serviette par exemple). Avant de servir, poivrez et mélangez avec une fourchette en soulevant délicatement les grains.

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Rubrique : Desserts & sucreries

Considérant la fascination des Japonais pour les cerisiers en fleur, il est naturel que la gastronomie nippone ait produit un gâteau parfumé à la fleur de cerisier, le sakuramochi (桜餅). Cette pâtisserie très particulière associe le sucré des pâtes de riz et de haricot azuki avec le salé de la feuille de cerisier saumurée qui les enveloppe.

sakuramochi

Les wagashi sont les plus typiques des pâtisseries japonaises. Une pâte de riz sucrée (mochi) entoure un cœur de pâte de haricots azuki (des haricots rouges qui, une fois cuits et écrasés avec du sucre, forment une pâte, l’an ou anko, qui ressemble à notre crème de marrons en plus dense). Sur cette base, les variations sont innombrables et il existe des wagashi pour toutes les saisons et toutes les occasions.

Les sakuramochi auraient été inventés au début du XVIIIe siècle à Edo (aujourd’hui Tōkyō) par un garde du temple Chomei-ji. Dans la tradition japonaise, ils sont étroitement associés au mois de mars (quand fleurissent les cerisiers) et à la Fête des petites filles (ou Fête des Poupées, Hina Matsuri, le 3 mars).

La partie extérieure des sakuramochi est colorée en rose et sa composition varie selon les régions. Dans l’est du Japon, on utilise une pâte de farine de riz normal et le gâteau est lisse (comme sur la photo ci-dessus). Dans l’ouest du pays, elle est remplacée par du riz gluant non broyé ou de la farine de riz gluant. Une fois préparés, les sakuramochi sont enveloppés d’une feuille de cerisier en saumure lavée et séchée. Le tout est décoré d’une fleur de cerisier conservée dans le sel.

La dégustation d’un sakuramochi révèle des sensations contrastées : la feuille de cerisier (qui ne se consomme pas forcément) laisse un petit goût salé et un parfum intense quasi-chimique ; le gâteau est souple, un peu collant, sucré et relativement fade. Néanmoins, l’ensemble est harmonieux et éminemment évocateur du cerisier.

Pour déguster un sakuramochi, allez faire un tour à la pâtisserie Toraya au mois de mars. Toraya est une pâtisserie japonaise traditionnelle située dans le premier arrondissement de Paris (à deux pas de la Concorde). Comme au Japon, les gâteaux proposés varient selon la saison.

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Rubrique : Viandes

Pljesquoi ? Voilà un mot bien compliqué pour désigner un hamburger… Mais ne vous y trompez pas, la pljeskavica est bien plus qu’un steak haché : de taille impressionnante, ce mélange de viandes nous vient des pays de l’ancienne Yougoslavie où les autochtones lui vouent une passion carnivore.

La pljeskavica (пљескавица, prononcez « plièskavitsa ») est une spécialité des Balkans, de la Slovénie à la Bulgarie. Ce hamburger géant (une petite vingtaine de centimètres de diamètre) est beaucoup plus dense et riche que son homologue américain. Il a la particularité d’être préparé à partir du mélange de plusieurs types de viande : bœuf, agneau, porc, veau, selon les recettes. Chaque boucher possède sa recette de pljeskavica où peuvent entrer du gras de rognons de bœuf ou de mouton, de l’échine de porc, du bicarbonate de soude, de l’eau minérale gazeuse… Le mélange doit être élastique, dense, goûteux et homogène.

Les pljeskavica sont traditionnellement (bien) cuites au barbecue. Selon la région, elles peuvent être servies avec des oignons frais, du kajmak (« kaïmak », une sorte de crème épaisse un peu acide que l’on peut trouver dans les épiceries turques ou yougoslaves), des frites, des concombres ou de l’ajvar, une purée froide de poivrons et d’aubergines parfumée à l’ail. Parfois, les pljeskavica sont fourrées au kashkaval (un fromage similaire au caciocavallo italien), au jambon ou aux champignons. Enfin, ils arrivent qu’elles prennent un petit air américain dans une sorte de pain pita, la lepinja.

Le terme « pljeskavica » vient du verbe « pljesak », un terme régional qui signifie « frapper dans les mains ». Chaque année, la ville serbe de Leskovac, considérée comme le berceau de la pljeskavica, organise un festival en son honneur. Des centaines de milliers de personnes viennent se régaler et assister au concours de la plus grande pljeskavica (le record mesurant 1,2 m de diamètre et pesant 45 kg…). À Paris, le restaurant serbe Zavicaj en sert d’excellentes.

Pljeskavica

Pour 4 pljeskavica

  • 300 g de bœuf haché gros
  • 300 g de veau haché
  • 300 g de porc haché (échine, joue, poitrine)
  • 1 oignon haché menu
  • 1 cuillère à café de sel
  • 1 cuillerée à café de paprika
  • 1 cuillère à café de poivre
  • 40 ml d’eau minérale gazeuse

Dans un saladier, mélangez les viandes, l’oignon, le sel, le paprika, le poivre et l’eau gazeuse. Mélangez doucement avec les mains, couvrez et réservez au réfrigérateur toute une nuit.
Divisez la viande en quatre boules. Placez-en une entre deux feuilles d’emballage plastique alimentaire et aplatissez-la avec la base de la paume jusqu’à obtenir une galette de 15-18 cm de diamètre et d’un petit centimètre d’épaisseur. Répétez l’opération avec les autres boules et réfrigérez les pljeskavica pendant une heure.
Faites chauffer une poêle ou un grill à feu vif, et faites griller les pljeskavica en les retournant souvent jusqu’à ce qu’elle soient bien dorées (environ cinq minutes). Servez avec des oignons frais émincés, des concombres et, à défaut de kajmak, de la crème fraîche épaisse.

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Rubrique : Légumes

On appelle « têtes de violons » les jeunes crosses de certaines fougères, avant qu’elles se déroulent. Riches en protéines, les têtes de violons ne peuvent être mangées qu’après une préparation particulière destinée à neutraliser leur toxicité. Fraîches ou conservées dans du vinaigre, elles sont très populaires au Québec.

Dans de nombreuses régions du monde, dont le sud-ouest de la France, les jeunes crosses de fougère sont traditionnellement récoltées au printemps pour être consommées. Si cette habitude alimentaire tend à disparaître chez nous, elle reste bien vivace au Japon et chez nos cousins canadiens. Les têtes de violons font d’ailleurs partie des spécialités culinaires des provinces de l’Est canadien où leur consommation était déjà largement répandue chez les populations amérindiennes autochtones.

En Amérique du nord, les têtes de violons proviennent de la fougère-à-l’autruche (Matteuccia struthiopteris), alors qu’en France et au Japon, les crosses sont cueillies sur la fougère-aigle (Pteridium aquilinum). Dans les deux cas, ces fougères sont toxiques et peuvent provoquer nausées, diarrhées et maux de ventre dans les heures qui suivent leur consommation. La fougère-aigle semble plus toxique que la fougère-à-l’autruche et certaines études suggèrent même un effet cancérigène lors de consommation de fougère-aigle sur de longues périodes.

Pour éviter les effets toxiques des têtes de violon, il est nécessaire de cueillir l’extrémité des crosses de fougère lorsqu’elles sont encore complètement enroulées (éliminer celles qui commencent à se dérouler), de les laver à grande eau et de les faire bouillir quinze minutes dans une eau bicarbonatée avant de les cuisiner.

Très riches en manganèse et en cuivre, les têtes de violons sont croquantes et possèdent une saveur proche de celle de l’asperge. Une fois bouillies, elles se cuisinent de multiples façons : sautées, en potage, en salade, en jardinière de légumes, écrasées en pesto, en omelette, avec des pâtes ou un risotto, etc. Au Japon, les crosses de fougère sont préparées en saumure ou dans du vinaigre de saké, et servies en accompagnement.

Les têtes de violon sont difficiles à trouver sur les marchés français sauf sur ceux du sud-ouest au printemps. Il est possible de trouver des crosses de fougère en conserve dans les épiceries fines ou certaines boutiques en ligne.

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Rubrique : Pâtes

Loin d’être de simples nouilles japonaises au bouillon, les ramen sont un plat à la variété infinie qui justifie, pour certains, une quête mystique : celle des ramen parfaites. Cette quête est le sujet de « Tampopo », un film de Juzo Itami plein d’humour où un routier cow-boy solitaire devient le coach es-ramen d’une jeune veuve propriétaire d’une gargotte.

Les ramen (prononcez « la-menn ») sont des pâtes fines faites avec de la farine de blé, de l’eau, du sel et une eau riche en carbonates (le kansui, parfois remplacé par des œufs). D’origine chinoise, les ramen ne sont vraiment devenues populaires au Japon qu’après la Seconde guerre mondiale, lorsque la farine de blé américaine a envahi l’archipel. Depuis, les ramen sont devenues l’un des aliments de base et les variations régionales sont nombreuses. D’ailleurs, la mise au point des ramen instantanées est, de l’avis des Japonais, la découverte japonaise majeure du XXe siècle !

Il existe diverses familles de ramen selon la composition du bouillon : shio ramen au bouillon clair à base de poulet, de légumes ou de poisson ; tonkotsu ramen au bouillon crémeux issu de la très longue cuisson d’os et de gras de porc ; shōyu ramen au bouillon enrichi de sauce soja ; miso ramen, spécialité du nord du Japon, au bouillon épaissi à la pâte de soja, etc. Lors d’un voyage au Japon, il est toujours intéressant de goûter les ramen locales, toujours en harmonie avec les produits du terroir et le climat.

Si vous êtes à Paris, il existe une bonne adresse pour goûter aux ramen « comme au Japon ». Chez Taishoken, pour quelques euros, vous pouvez choisir votre bouillon (au miso ou au shōyu) et les éléments de vos ramen : porc grillé (chāshū), poireau, fruits de mer, etc. Et toujours le très étrange kamaboko, ces tranches de surimi rose et blanc si typiques des soupes japonaises. Un jour d’hiver, essayez la spécialité d’Hokkaido, l’île la plus au nord du Japon : miso ramen au maïs et au beurre. Vous ressortirez de là ragaillardi et prêt à affronter le froid !

Et pour bien apprécier les ramen, regardez « Tampopo » : au tout début du film, un maître autodidacte donne une leçon de dégustation des ramen au jeune acolyte du héros routier. Vous ne regarderez plus jamais un bol de ramen de la même manière (ni un jaune d’œuf cru non plus d’ailleurs, mais c’est une autre séquence de ce film atypique !)…

Taishoken
40 rue Sainte-Anne – 75002 Paris
+33 1 42 61 11 59

Pour découvrir ou redécouvrir le très charmant (et sexy) « Tampopo ».

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Rubrique : Produits de la mer

Le roi de la bouillabaisse, vous connaissez ? Pour les Doudes marseillaises, il n’y en a qu’un : le Saint-Pierre. Derrière ses nageoires menaçantes et sa gueule surdimensionnée, ce poisson cache une chair ferme et savoureuse. Relativement rare sur les étals, le Saint-Pierre est à la hauteur de sa réputation chez les grands chefs.

saint-pierre

Zeus faber, voilà un nom de dieu grec ! C’est pourtant le nom latin du Saint-Pierre, un poisson présent sur les côtes rocheuses de nombreuses mers du monde. Carnivore, il se nourrit de petits poissons et de seiches qu’il happe de ses vastes mâchoires. Sur les étals des poissonniers, le Saint-Pierre (également appelé jean-doré, soleil ou poule de mer) mesure en général de 30 à 50 cm, mais il en existe de plus gros. Assez plat, il est aisément reconnaissable à la tache brune qui orne le centre de chacun de ses flancs.

Ces taches brunes sont au cœur de la légende et du nom du Saint-Pierre. Jésus aurait demandé à son compagnon Pierre d’attraper ce poisson pour des raisons qui divergent selon la version de l’histoire : pour récupérer une pièce d’or cachée dans sa bouche, ou pour débarrasser la Méditerranée de ce poisson qui, beaucoup plus gros à l’époque, y semait la terreur. Sa mission accomplie, le futur Saint Pierre aurait relâché la bête (dans une version de taille réduite) en y laissant la marque de ses pouces.

La chair dense du Saint-Pierre est si fine et si parfumée qu’il n’est guère besoin de la cuisiner. Les Doudes le fourrent de graines de fenouil ou d’anis, de rondelles de gingembre frais et de quartiers de citron jaune ou vert. Badigeonné d’huile d’olive et cuit au four (20-25 minutes à 150°C), il donne le meilleur de lui-même… Attention, sa grande nageoire dorsale peut facilement blesser. Demandez à votre poissonnier de la couper. Parfois, il est possible d’acheter des filets de Saint-Pierre préparés et prêts à être cuisinés, par exemple en papillotes.

Nul n’est parfait et le roi de la bouillabaisse possède deux défauts. La tête énorme du Saint-Pierre fait que seule une petite moitié de son poids est consommable. De plus, ce n’est pas un poisson très courant dans les filets des pêcheurs et il est assez cher. Point positif, il n’est pas surpêché et, pour peu que ce soit avec modération, les personnes soucieuses de la préservation des océans peuvent le manger sans scrupule.

Rubrique : Desserts & sucreries

Pas besoin d’aller au bout du monde pour découvrir des spécialités troublantes, des saveurs qui divisent le monde entre ceux qui adorent et ceux qui détestent. Si vous passez par le Portugal, ramenez des ovos moles et observez vos amis à la première bouchée. Effet garanti…

La pâtisserie portugaise se caractérise par une passion immodérée pour les jaunes d’œuf. Il suffit de regarder la vitrine d’une confiteira : un étalage de gâteaux d’un bel orangé, riches en jaunes issus de poules gavées au maïs ! Au cœur des pastéis de nata… du jaune d’œuf ! Dans le pão de ló… des jaunes d’œuf ! Et pour décorer les gâteaux, des filaments oranges de… jaune d’œuf (appelés palha de Abrantes) !

Mais le comble de cette vitellomanie est une spécialité de la ville d’Aveiro, au sud de Porto : les ovos moles (prononcez « ovouchs molchs » ce qui signifie « œufs mous », tout un programme !). Comme de nombreuses douceurs lusitaniennes, les ovos moles auraient d’abord été confectionnés par des religieuses, pour ensuite être repris par les pâtissiers. On trouve des ovos moles partout au Portugal mais ils restent la spécialité d’Aveiro.

Les ovos moles sont une pâte épaisse d’un beau jaune orangé cuisinée à partir de jaunes d’œuf, de sucre et d’eau (parfois de l’eau de riz). Cette pâte peut être présentée dans des ramequins, dans une tartelette ou au cœur d’un gâteau. Mais à Aveiro, la petite Venise portugaise percée de canaux, elle est présentée dans de petits tonnelets de bois peints de scènes locales, ou dans une coque de pain azyme moulée selon des formes traditionnelles liées à la vie des pêcheurs locaux : tonnelets, poissons, coquillages, etc.

Pour un non-Portugais, la première bouchée d’ovos moles peut être une épreuve. Le goût intense du jaune d’œuf, l’abondance de sucre, la richesse du mélange, l’absence d’accompagnement (une pâte à tarte, une génoise, un truc qui atténue cette intensité, quoi !), tout cela est une épreuve pour nos papilles. Après ce baptême, le monde se divise en deux camps : ceux qui adorent et ceux qui détestent (avec une minorité qui s’interroge sur le camp à choisir). Mais dans tous les cas, une remarque fuse : « C’est… riche ! ».

Apprécier les ovos moles fait peut-être partie de ces goûts acquis qui sont propres à une culture et qu’il faut du temps pour faire siens : maroilles, os à moelle, iwashi senbei, Cenovis (la pâte suisse à base de levure de bière, version helvète de la Marmite britannique), etc. Mais pour les Portugais, les ovos moles sont la quintessence de l’esprit pâtissier national depuis au moins deux siècles.

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Rubrique : Desserts & sucreries

Au Portugal, le pão de ló est une institution. Cette génoise riche en jaunes d’œuf, moelleuse, goûteuse, est omniprésente dans les vitrines des pâtisseries, en particulier les jours de fête. Pour les Portugais, le goût du pão de ló est intimement lié à l’enfance, à celui préparé par leur mère ou leurs grand-mères.

Si vous faites un tour dans une pâtisserie portugaise un jour de fête, vous ne manquerez pas de remarquer de nombreuses boîtes à gâteau empilées et marquées du nom des clients qui les ont commandées. Dans ces grandes boîtes, un drôle de gâteau en forme de couronne, un peu affaissé, à la croûte veloutée. C’est le pão de ló (prononcez « pan dé lo »), une génoise cuite sur des feuilles de papier sulfurisé dans un moule en terre cuite muni d’un cône amovible au centre. Dans la bouche, le pão de ló passe du nuage léger au fondant sucré avec un fort goût de jaune d’œuf et une sensation crémeuse rapidement addictive.

Le pão de ló fait partie de la grande famille des gâteaux sans levure ni matière grasse (autre que les jaunes d’œuf) : génoise, biscuit de Savoie, pain d’Espagne, sponge cake, etc. Les traces les plus anciennes de ce type de pâtisserie se trouveraient dans la cuisine juive médiévale de la péninsule ibérique (sous le nom de « pan d’Espanya »). Au Portugal, initialement appelé pão de Castila (pain de Castille), le pão de ló a longtemps été une spécialité du couvent d’Alcobaça, à une centaine de kilomètres au nord de Lisbonne. Aujourd’hui, il est préparé dans tout le pays, même si le village d’Alfeizerão, proche d’Alcobaça, en a fait sa spécialité.

Le délicieux pão de ló a beaucoup voyagé. Au XVIe siècle, les Portugais l’ont fait découvrir aux Japonais du port de Nagasaki où, depuis, il est devenu une spécialité locale sous le nom de « kasuteru » (prononcez « kastelou »), mot dérivé de « Castelo ». Le kasuteru est resté très populaire et il est la base de nombreux gâteaux japonais. Les Américains ont également leur « sponge cake », venu des Antilles espagnoles au début du XIXe siècle.

La recette du pão de ló est simplissime : des œufs, le poids des œufs (coquilles comprises) en sucre, la moitié de ce poids en farine. Les jaunes et le sucre sont montés en pommade, les blancs battus fermes. Un peu de blancs est incorporé à la pommade, avant d’y ajouter la farine puis, avec délicatesse, le reste des blancs. Le mélange est versé tout autour d’un moule beurré en forme d’anneau, en tournant toujours dans le même sens. Le gâteau se cuit à 180°C jusqu’à ce qu’une pointe de couteau ressorte sèche (durée variable selon le nombre d’œufs utilisés, environ une demi-heure).

Autant dire les choses comme elles sont, le pão de ló des pâtissiers est toujours meilleur que celui fait chez soi. Ce qui explique que, malgré la simplicité de la recette, les Portugais continuent à sortir des pâtisseries avec d’immenses sacs en plastique renfermant ce gâteau à la texture si particulière.

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Rubrique : Desserts & sucreries

Au Portugal, comme dans le sud de la France, le gâteau des Rois est une brioche en forme de couronne garnie de fruits confits, le Bolo Rei. Plus consistant que sa version française, ce gâteau tire lui aussi son origine des fêtes de la Rome antique destinées à célébrer Saturne et l’Âge d’or.

Lorsqu’on a grandi dans le sud de la France, la fête de l’Épiphanie évoque deux souvenirs : l’arrivée des Rois Mages dans la crèche (l’irruption du chameau et de l’éléphant dans le village provençal…) et les couronnes décorées de fruits confits multicolores et de gros grains de sucre. Cette forme de gâteau des Rois est plus ancienne que la galette « à la parisienne », issue d’un croisement, au XVIIe ou XVIIIe siècle, entre l’ancienne galette des Rois (assez dure) et le Pithiviers feuilleté.

Au Portugal, seul le Bolo Rei (symbolisant la couronne des Rois Mages) a droit de cité. Il aurait été « importé » par un pâtissier portugais ayant travaillé en Provence. Sa pâte briochée, parfumée à la fleur d’oranger et au porto, est pétrie avec des fruits secs et des écorces d’agrumes. Le Bolo Rei est décoré de fruits confits et généreusement saupoudré de sucre glace. Parfois, comme en France, il contient une fève qui déterminera le roi ou la reine du jour, chargé de payer le Bolo Rei de l’année suivante.

Saviez-vous que la tradition de « tirer les Rois » remonte à l’Antiquité romaine ? En fait, il s’agit de ce que les ethnologues appellent un « rite d’inversion », un rituel où la hiérarchie sociale est temporairement inversée. Lors des fêtes hivernales en l’honneur de Saturne, les Romains confectionnaient un gâteau contenant une fève et le coupait en un nombre de parts égal au nombre de convives. Un jeune enfant se plaçait sous la table et, au nom d’Apollon, décidait pour qui était chaque part. La personne qui trouvait la fève devenait le roi de la famille pour un jour. Cette inversion des rôles évoquait l’Âge d’or, la période où Saturne et Janus régnaient et où tous les hommes étaient égaux.

Plus tard, cette tradition fut récupérée par l’Église catholique, probablement lorsque l’anniversaire de la naissance du Christ fut substitué aux rites du solstice d’hiver. Le gâteau saturnien fut alors associé à l’arrivée des Rois Mages. On prit l’habitude de couper une part de plus que de convives, la part restante étant celle de la Vierge, donnée au premier pauvre qui se présentait. Malgré cet habillage tardif, le gâteau des Rois reste le symbole bien vivant des Saturnales romaines : au début de l’hiver, une fève cachée, un tirage au sort par le plus jeune et l’inversion des rôles pour un jour.

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Rubrique : Desserts & sucreries

Hein ? Quoi ? Une pompe à huile au festin ? Mais nooon… Une pompe à L’huile ! Ce pain particulier, parfumé à l’huile d’olive et à la fleur d’oranger, fait partie des treize desserts qui doivent orner la table du Gros Souper, le repas pantagruélique dévoré par les Provençaux après la messe de minuit.

pompe à l’huile

Appelée « gibassié » en provençal, la pompe à l’huile est simplement d’une version sucrée, huilée et parfumée de la pâte à pain. Les boulangers du sud de la France les préparent pour Noël. La pompe n’est jamais coupée au couteau mais rompue avec les mains sous peine d’une nouvelle année douloureuse ! Un peu « estouffe-gari », mieux vaut la tremper (oui, elle pompe, c’est ça…) : dans du vin sucré (par exemple un délicieux muscat de Beaumes-de-Venise) ou dans du café (le petit-déjeuner architypique des enfants provençaux le matin de Noël après avoir déchiqueté les cadeaux…).

Pour deux pompes

  • 300 g de farine
  • 1 sachet de levure de boulanger
  • 7 cuillerées à soupe d’huile d’olive
  • 3 cuillerées à soupe d’eau de fleur d’oranger
  • 80 g de sucre roux
  • sel

Diluez la levure dans trois cuillerées à soupe d’eau à 30°C et mélangez avec 100 g de farine. Couvrez et laissez monter une heure. Mélangez ce levain avec le reste de la farine et l’huile. Ajoutez une pincée de sel, le sucre et l’eau de fleur d’oranger. Pétrissez longuement (vous pouvez également mettre tous les ingrédients dans une machine à pain et choisir le programme « Pâte »). Laissez monter trois heures dans un endroit tiède et à l’abri des courants d’air.

Pétrissez de nouveau la pâte (en rajoutant un peu de farine si elle est trop collante). Divisez-la en deux boules. Étalez chaque boule pour former un ovale d’environ un centimètre d’épaisseur. Avec une lame de couteau, faites des entailles en épi dans chaque pompe (imaginez que vous faites une fougasse) et écartez-les un peu avec les doigts.

Posez les pompes sur la plaque du four et laissez-les lever de nouveau une heure sous un torchon humide dans un endroit tiède (par exemple, le four chauffé à 30°C). Sortez-les du four, placez-y une coupelle d’eau, faites-le chauffer à 200°C et enfournez les pompes pendant 15 à 20 minutes (elles doivent être dorées). Dès la sortie du four, badigeonnez-les légèrement d’huile d’olive avec un pinceau.

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